Drowse – Wane Into It

La neige ne tombe pas.

Pas encore.

drowse 01

Artiste : Drowse

Origine : Portland, USA

Date de sortie : 2022

Genre : Slowcore, Shoegaze, Post-Rock

J’ai toujours trouvé que la période de fin d’année est un temps de contradictions. Une cohabitation parallèle de sentiments, d’impressions, d’envies contraires.

L’effervescence de l’approche des fêtes, qui à mesure que l’on prend en âge se mue de plus en plus de l’euphorie vers la charge physique et mentale. Nous encaissons, pour permettre à nos plus jeunes de se forger la future nostalgie de l’insouciance que nous apprenons à accepter, hiver après hiver.

L’excitation et l’espoir d’une nouvelle année, et l’épuisement profond. L’aspiration à être seul, entièrement seul, au repos, et le besoin d’être au contact de ses proches. Ceux que l’on ne voit que trop peu, ceux qui partagent notre quotidien mais que le quotidien nous aliène. Celle et ceux qui ne font plus partie de nous.

C’est l’ensemble de choses confuses et entremêlées que m’évoque la musique de Drowse. Projet de Kyle Bates, producteur issu de Portland et qui évolue dans le giron du label The Flenser réputé pour entretenir une scène américaine d’artistes mêlant shoegaze, doom, post-rock, slowcore, drone, et différentes teintes de Metal et de musiques expérimentales dans des mélanges tels que Bosse-de-Nage, Deafheaven, Planning for Burial, Botanist, Giles Corey , Midwife ou encore King Woman.

Kyle Bates produit avec Drowse une musique douce, aérienne mais dense. Triste et réconfortante toute à la fois. Il réussit, album après album, à produire des émotions intenses avec un dénuement apparent de moyens. Lentes parties de guitare, batterie minimale, nappes de claviers auxquelles se conjuge la voix de Kyle conçue comme un instrument supplémentaire en longs murmures résonnants ; l’important n’étant pas la portée figurative des paroles mais les émotions que peuvent susciter l’ensemble.

Le froid qui m’enveloppe doucement. L’émergence de ces contradictions comme les multiples facettes de moi-même, mes fantômes qui se rappellent à moi pour que je ne m’oublie pas. La dissociation, brêve mais salutaire, d’un quotidien trop prenant pour regarder la brume et accepter pleinement le souffle à travers moi.

La neige ne tombe pas.

Mais le froid sec s’enveloppe autour de mes doigts. Le temps se ralentit légèrement. L’air semble prêt.

La musique de Drowse est une rencontre entre Low et Boards of Canada. Pleine de douceur et de force, elle est cette acceptation de la mélancolie, cette bienveillance envers soi-même que l’on se ravit, que l’on nous ravit un peu plus chaque jour. Elle raconte une histoire qui se passe de mots. C’est une bande-son d’hiver, froide, brillante, lumineuse. La musique d’un départ, et d’une arrivée.

Si les tristesses et les deuils ne partiront plus, alors quel autre choix ai-je que de les accueillir ? De leur faire une place dans cette ambivalence de douleurs que l’on contemple alors comme renfermant, peut-être, une forme de lumière. Une inflexion, un passage dans ce que nous sommes. Un reflet de comment ces expériences nous ont changé.

Peut-être que c’est tout ce qui me reste pour moi-même désormais. Ce qui me reste pour moi seul, ce qui me définit après ces trois années.

La neige ne tombe pas.

Pas autour de moi. Mais elle sera là bientôt.