Sunshine Superman

Artiste : Donovan

Origine : Écosse

Date de sortie : 1966

Genre : Rock/Folk

C’est en écoutant le dernier single de Donovan, I am the Shaman (2021), et en visionnant le très beau clip dirigé par David Lynch pour même single que j’avais envie de vous parler de Donovan, cet écossai prolifique, ce musicien extraordinaire et solaire, l’un des précurseurs du psychédélisme malgré l’amnésie et le désintérêt du public à son égard à partir des années 70’s. (n.b: sur ce morceau, David Lynch va même jusqu’à accompagner Donovan musicalement avec sa guitare à accords modaux. Il faut noter que les deux compères sont de bons amis de long date, leur intérêt et leur pratique de la méditation transcendantale les ont rapproché)

Donovan Leitch Philips, cette copie anglaise de Bob Dylan, comme se plaisaient à dire la presse et les critiques musicaux de l’époque au début de sa carrière, est écossai et a vu le jour un 10 Mai 1946 à Maryhill, un quartier de Glasgow. Il a grandit bercé par les chansons folks écossaises et irlandaises ainsi que par la poésie dont son père était friand et lui en lisait. Il a appris à jouer à la guitare dès l’âge de 14 ans et rapidement devenu un excellent guitariste.
Quand sa famille déménageait à Hatfield, au Nord-Ouest de Londres, Donovan va découvrir et se baigner dans la musique folk qui était en vogue d’alors tant en Angleterre qu’aux US. Plus tard, étudiant en école d’art, avec un ami (le sculpteur Gyp Mills, aka Gypsy Dave), ils se produisaient dans les pubs du quartier de St. Albans, l’endroit même où il s’était nourri de musique folk de son époque.

Le jeune Donovan ne laissait pas insensible le public avec sa voix angélique au timbre chaud et doux et ses interprétations velouteuses des répertoires folks. Il va être rapidement remarqué par Elkan Allan, à l’époque dirigeant de télé et journaliste influent de la Grande Bretagne, il était le producteur de l’émission télé Ready Steady Go! qui a permit de lancer des carrières comme celles des Stones, des Who ou encore des Beatles. Donovan va profiter du même traitement sur le plateau de l’émission et suite à ça, il signera avec Pyre Records qui vont sortir ses deux premiers albums, tout deux en 1965. Les deux vont rencontrer de grands succès auprès du public en Angleterre et outre Atlantique, chez les US.
Malgré ces succès, les critiques vont le baptiser le clone de Bob Dylan, une comparaison injuste malgré quelques similitudes dans leurs musiques. Mais là où Dylan est plus dans le côté introspectif et réaliste avec un folk profond et sans concession, il y a chez Donovan un côté plus optimiste, plus solaire et teinté de mysticisme, courant qu’il va d’ailleurs suivre à partir du l’âge d’or du Flower Power jusqu’à maintenant.

Et c’est ce que Donovan va montrer avec son 3e opus, album qui marque à la fois le changement de maison de disque, son virage psychédélique, et surtout l’affirmation de son style, sa créativité et ses talents musicaux.
Fin 1965, Donovan signe avec Epic records, une maison américaine dirigée par Ashley Kozac. Ashley va lui attacher Allen Klein comme impresario et c’est Klein qui va mettre Donovan en relation avec Mickie Most, la rencontre qui sera à l’origine de nombreuses créations à succès.

Sunshine Superman, sorti uniquement aux US en 1966 (à cause des problèmes de contrats de maisons de disques, il sortira plus tard au UK, sous forme de compile avec d’autres chansons de Mellow Yellow, son 4e album) fait parti des albums précurseurs dont le single, Sunshine Superman, a été enregistré juste 2 mois avant la sorti des albums mythiques du rock psychédélique que sont Fifth Dimention des Byrds ou l’album éponyme des Yarbirds, annonçant la vague psychédélique qui va très vite submerger le monde occidental et américain, mouvement qui va étaler sur toute la période entre 1965 et 1972 avec de nombreuses créations artistiques qui ont pour fond une quête de l’idéale libertaire et anticapitaliste.

Nimbé dans un halo mystique entre mélodies hypnotiques, sensuelles, par moment jazzy, progressives et profusion de sons de sitar et de la harpe, Sunshine Superman est un bijoux psychédélique.

Dès le premier morceau, éponyme, le côté psychédélique ressort à travers la composition, les mélodies ondulantes à la harpe et le côté piquant, plein de fougue des guitares assurées par deux futures légendes que sont John Paul Jones et Jimmy Page (qui vont participer ci et là tout au long de l’album), le tout soumis à l’arrangement parfaitement ficelé de John Cameron. Cette chanson d’amour lumineuse et fiévreuse est dédiée à Linda Lawrence (la copine de Brian Jones des Stones) dont il était secrètement amoureux.
Donovan va enchaîner sur une petite balade aux sonorités médiévales folkloriques avec Legend of a Girl Child Linda, balade rêveuse qui oblige l’auditeur à ralentir le pas, à prendre son temps, à se perdre un peu dans son univers poétique et magique. Ici, les instruments à vent accompagne parfaite ment la guitare, nous laissant tout le loisir d’apprécier sa technique de picking, technique qu’il a enseigné à John Lennon et à George Harrison lors d’un séjour des Beatles en Inde au printemps 1968. C’est aussi une sorte de ballade qui nous prépare à accueillir Three King Fishers, morceau hautement mystique qui traite de la plénitude, du sentiment de communion totale avec l’univers, ne faire plus qu’un avec le monde à travers l’image d’un océan minuscule dans le sable. Super morceau chaloupé et ondulant aux vibes à la fois mystique et hypnotique, vibes qui vont continuer sur Ferris Wheel, entraînant l’auditeur sur ce train vers des contrés magiques et lumineuses, comme la musique elle-même.

Avec Bert’s Blues, nous quittons le train magique pour revenir vers des chemins un peu plus rocailleux mais qui, pourtant, ne manque pas de poésie avec une transformation bien habile de l’ouverture rock&roll vers des sonorités médiévales, puis jazzy sans aucun effort, à profusions d’instruments de toute sorte, un arrangement de génie. Ce morceau est un hommage à Bert Jansch, un musicien contemporain de Donovan dont il admire le travail.

Après le blues de Bert arrive l’autre morceau phare de cet album, l’excellent et le très psychédélique Season of the Witch, un morceau traitant de la paranoïa. Et sur ce morceau aussi, les parties de guitares totalement hallucinées sont assurées par John Paul Jones et Jimmy Page, et le chant de Donovan est ici devenu lancinant et profond, accompagnant parfaitement cette hallucination collective.

Continuons avec le rock&roll et le psychédélique avec The Trip, joli morceau bien dans la tradition du rock&roll, énergique et joyeux, relatant son expérience à Los Angeles (pour enregistrer une partie de l’album avec Epic), on y trouve aussi des clins d’oeil pour Dylan et Baez, les artistes qu’il admire et qui font partie de ses influences.

Après un petit redoux médiéviste avec Guinevere où la sitar et la guitare acoustique reviennent en force avec la percussion dans le fond pour replanter une ambiance rêveuse, nous continuons vers les terres colorées et hallucinées avec The Fat Angel, morceau hautement psychédélique en hommage à Mama Cass des The Mamas & The Papas, avec un clin d’oeil aux Jefferson Airplane sous formes d’incantations répétitives. Ici aussi, on retrouve le super travail d’arrangement de John Cameron.

Et l’album se termine magistralement avec la très belle ballade Celeste. Comme son nom indique, ce morceau est de la barbe à papa pour les oreilles. Tout y est doux, tout y est harmonieux, lumineux, et… osons le dire, céleste! Les arpèges semblent scintiller, la mélodie est parfaite, elle flotte, elle ondule et elle se transforme avec une fluidité divine. C’est une sorte d’ascension pour maintenir l’auditeur dans le trip aérien qu’ils ont commencé dès les premières notes de Sunshine Superman.

Ce n’est pas exagéré quand on affirme que cet 3e opus de Donovan fait parti des albums précurseurs du mouvement psychédélique et un des albums psychédéliques à écouter au moins une fois dans la vie. Tout l’album est superbement ficelé et la créativité de Donovan explose ici en de multitudes éclats musicaux à la fois lumineux et édulcorés. L’album marque aussi la fin de l’époque «clone de Dylan» dont les critiques l’accablaient et ouvre une nouvelle ère pour le travail artistique de Donovan, une ère psychédélique, même si les racines folks ne le quitteront jamais. Il va beaucoup y exprimer et affirmer son côté solaire et ses affinités pour le psychédélique et le mystique, il nous offrira de nombreux beaux albums, et même dans ceux, plus dépouillés, sortis dans les années 90s et 2000s, les auditeurs attentifs y trouveront leur compte quand il cherchent des compositions solides tant musicalement que dans la qualité des textes, qui sont toujours très poétiques, empreintes d’une mysticisme solaire.