Through Dark Veils

Artiste : Shattered Sigh

Origine : Espagne

Date de sortie : 2022

Genre : Melodic Doom/Death Metal

Le doom/death, ce terrain fertile qui nous a gratifié de nombreuses formations excellentes ces dernières années tels Marche Funèbre, Swallow the Sun, Novembers Doom, ou d’autres, moins connu comme Dalit, Silent Winter, Clouds etc. pour ne citer qu’eux! Tous sont de brillants disciples du trio de pionniers anglais, tellement connu qu’il n’est plus nécessaire d’évoquer les noms, et dont la plupart de ces groupes revendiquent volontiers comme leurs influences.
2022 semble bien parti pour de belles sorties doom/death et le premier candidat dont j’aimerais vous parler est Shattered Sigh, sextet espagnol, crée en 2010 et qui nous vient de Barcelone. Ils n’en sont pas à leur premier essaie puisque leur tout premier album, Distances, sorti en 2017, est déjà bien solide dans le paysage doom/death avec des mélodies à la fois pesantes et veloutées avec l’intervention des plages caressantes du piano et des atmosphères bien lourdes et enveloppées, premier album que je vous recommande vivement.

Revenons donc à nos chats, fraîchement sorti début Février, leur deuxième opus, Through Dark Veils est un bel exemple de ce que le genre peut offrir de beauté et de richesse des mélodies louant la tristesse et le désespoir, le tout enveloppé dans une enveloppe d’atmosphère romantique, sombre et noire à damner une petite biche aux yeux innocents! Bon, la biche, elle n’y est pour rien, on va damner le coeur d’un jeune amoureux naïf à la place.

L’album démarre sans aucune espèce de négociation, rien ne nous prépare aux lamentations misérables précédant cet énorme growl venant du plus profond des cavernes de l’enfer. D’emblée, on sait que c’est l’album de la damnation avec cette lenteur et cette pesanteur qui ouvrent sur une scénette tout droit sorti d’un enfer que seul Dante a le secret. La musique s’accélère uniquement pour accentuer l’atmosphère grave et pesante, la voix claire du narrateur entre deux vagues de feu ne fait qu’ajouter au dramatisme de l’ensemble en nous disant, l’air vague, qu’il ne se souvient plus de son enfance, ni de son histoire. L’âme perdue, errante parmi les miasmes ardents de l’enfer.
L’ouverture dynamique, presqu’avec hargne de The Desert I’ve Created tranche nettement avec la lourdeur qui suit, ponctuée par les notes de piano solennelles et accablantes. Morceau voilé du clair-obscur, comme une lanterne magique qui fait défiler, tour à tour, l’ombre et lumière sur cette terre aride qui semble se déployer sous nos yeux, terre de désolation et de solitude, forgée par de longues années à errer loin de l’humanité bruyante.
Campfire Over My Grave, morceau monumental et compact, concentrant tout le meilleur de ce qu’on pourrait espérer trouver dans un morceau de doom/death: atmosphère implosive, lenteur, gravité, lourdeur, alternés avec des passages plus rapides, et ici, accompagné des lignes de clavier qui tintinnabulent, donnant une espèce de légèreté dramatique. Le paroxysme du morceau condense dans ce chant plaintif et misérable qui fout littéralement la chair de poule, tellement l’ambiance est plongée dans quelques chapitres les plus sombres de Maupassant sur les pires côtés de l’humanité plongée dans la misère.

Et c’est dans cette atmosphère lourde, entourée de fumées noires que le groupe nous prend par la main et nous emmène à travers growls tantôt furieux, tantôt désespérés, voix claires tendres et douces mais remplies de mélancolie, riffs lancinants et pesants, batteries implacables et lourdes, comme autant de paysages de désolation, les lieux d’exil terribles pour une âme damnée. Le tout, jusqu’à la déclaration finale, Last Damnation, sinistre déclaration, portée par une mélodie tragique à fendre l’âme, les riffs sanglotants partagent la scène avec rivières de piano mélancoliques et tristes. Même les chœurs légers et aériens sont teintés par cette bile lugubre et ténébreux de l’amnésie qui enveloppe toute l’espace.L’album termine avec les rires enfantins, émanations d’un lointain souvenirs brouillés dans les nuages de l’esprit, petites lumière évanescence qui ne fait qu’effleurer la surface de la mémoire sans jamais pouvoir se fixer. A la fin, il ne reste plus qu’une toute petite âme, une petite lueur sourde, grelottante de froid dans cet enfer corrosif de lave et de feu.