Road to New Existence

Artiste : Okapi Busdriver

Origine : Russie

Date de sortie : Janvier 2021

Genre : Metal Expérimental / Mathcore / Prog

Lorsque, pour prouver sa valeur à la tribu, le metalleux s’en va conquérir l’inconnu, chasser de nouveaux sons tout frais à ramener au village en sortant des sentiers battus et des labels connus, un réflexe commun est de se laisser porter par l’univers visuel qu’une jolie pochette a à offrir. Réflexe qui peut parfois se montrer aussi fructueux que trompeur.

J’étais moi-même en plein dans cette quête pour servir la science (et c’est ma joie), quand j’ai vu cette pochette sur Bandcamp; un Yellow Bus classique sillonnant une route probablement située quelque part entre l’Arizona et le Nouveau-Mexique, avec un soleil couchant, un filtre orangé, un panneau routier comportant le titre du skeud tel un hommage à Kyuss, je me suis dit : « cool, du Stoner US ! »

Perdu. Déjà ces jeunes gens sont Moscovites ; regardez leur photo de groupe sur Bandcamp, le seul moyen de rendre la photo plus Russe ce serait de leur faire prendre une douche de Vodka. Et on est pas vraiment dans le Stoner, on est plutôt dans… Un peu partout en fait. Ca mélange plein de trucs, ça part dans tous les sens, ça change de rythme 3 fois par chanson ou presque ; c’est touffu !

Okapi Busdriver donc, jeune quatuor à peine éclos (leur premier album est sorti tout début 2021) qui nous sert un Métal Prog / Expérimental / Mathcore plein d’énergie et plein d’idées. Et autant la pochette laisse entrevoir une bonne vibe à la cool, autant les premiers riffs du titre d’ouverture te disent qu’on est pas là pour rigoler. Everything Burns sonne comme un Hardcore qu’est là pour péter des bouches avec des barres à mines avant d’entamer les salutations – il paraît que c’est normal, en Russie.

Le début de l’album est un joyeux mélange de sonorités Hardcore, d’enchaînements de polyrythmies et de contre-temps, de riffs en scie-sauteuse avec un chant éraillé et puissant qui évoque Meshuggah, une basse très présente et bien incisive et un feeling global de technicité et de précision, dans la veine d’un gros Mathcore qui sent bon le Bortsch. Pardon, le Botch.

Et là Cursed, la quatrième piste, commence sur un solo de guitare sorti de Göteborg. Un morceau plus long, plus varié, carrément progressif avec des changements de mode, quelques passages plus mid-tempo, un feeling plus mélodique dans l’ensemble qui donne plus de place à des montées en puissance et des breaks bien dosés, et un final au Sitar. Parce que why the fuck not.

Scarab Shell continue en ouvrant sur un riff et un chant qui sentent le Neo Metal / Metalcore mélodique. Avant que vous ayiez eu le temps de décider si l’album se fout de votre gueule ou pas, ça relance avec des leads de guitare du feu de Dieu et ça revient toujours sur cette base Prog / Mathcore super technique et énergique.

Je vous épargne une énumération du reste de l’album piste-par-piste, je pense que vous avez saisi l’idée : c’est riche et varié, ça mélange plein d’influences de Metal globalement post-1990-ish : Metalcore, Mathcore et Melodeath en premier lieu. Ca sent le Meshuggah, le Dillinger, les débuts de Trivium. Pour les boomers à qui ces noms donneraient de l’urticaire, essayez : moi-même c’est loin d’être mon style de prédilection et j’ai immédiatement accroché. Ca tabasse, c’est propre, bien composé, bien produit et accrocheur.

Cependant si vous ne deviez faire l’effort d’entrer que dans une seule piste de ce festival de riffs, je vous dirais d’en écouter deux. Greatness & Glory ou le point culminant de mi-album, et le titre final Looking Back at Home : deux titres progressifs qui prennent le temps d’amener toutes les idées de composition, mélangent tous les éléments sus-cités avec classe et naturel, et qui terminent tous deux sur un final de toute beauté.

Cet album m’a pris à revers et c’était sans doute le but recherché. Cependant, après quelques écoutes à tête reposée, ce visuel empreint de voyage n’est pas si hors-sujet ; le concept de l’album tourne autour d’un conteur d’histoires immortel, là pour nous emmener dans des contrées et des sensations diverses et complexes. Le véhicule sonore pour y parvenir n’a pas forcément à être un stoner psyché plein de réverb et de fleurs multicolores après tout.

Okapi Busdriver nous apportent un truc que personne n’attendait, très bien maîtrisé techniquement, varié et rafraîchissant ; quoi de mieux pour démarrer 2021 ?