Artiste : :Of the Wand & The Moon:
Origine : Danemark
Genre : Neofolk/Chamber Pop
Date de sortie : 2021
10 ans après la magnifique introspection de The Lone Descent, sombre et terrible, Kim Larsen nous revient avec un album envoûtant de bout en bout, nappé dans un brouillard velouteux et onirique, accompagné d’une kyrielle de musiciens talentueux comme Thomas Cowgill de King Dude (neofolk/gothic/blues rock américain), la talentueuse Sarah Hepburn, ou encore Martin Hall de Ballet Mécanique, groupe de punk danois, pour ne citer qu’eux.
Dès le titre de l’album, nous savons que c’est l’album d’un coeur brisé que rien, ni même l’amour ne peut réparer. Cette sombre mélancolie n’est pas dépourvue de délicatesse, de poésie et de beauté, une beauté sans âge, à la fois ancienne et moderne, qui défie le ruissellement du temps. Les chansons de l’album s’enchaînent avec fluidité et élégance, comme la rivière nacrée d’un collier de perle qui se déverse sur la gorge d’une ivoire sculpturale de quelques belles qui se prélassent dans un fauteuil drapé de velours rouge sombre, sous une verrière éclairée de lueurs couleur miel, dans l’air musqué d’un salon art déco.
L’album démarre doucement au son d’harmonium, suivi de riffs répétitifs et hypnotiques, typiques du néofolk, de Whispers of the Past, léger comme un petit vent nocturne qui fait tressaillir la flamme d’une bougie posée trop près d’une fenêtre. Tout dans le rythme du morceau et les chœurs éthérés donnent une impression joyeuse et insouciante. Pourtant, cachée derrière cette voile de légèreté, quelque part dans les recoins de la voix, l’ombre d’une tristesse qui plane… Et cette ombre nous tombe dessus, aussi léger et tendre comme une caresse avec le morceau titre, sa trompette mélancolique et sa violoncelle, expirant cette pure mélancolie sombre et sauvage. Le morceau défile comme le dernier nuit avec un amant qu’on aimerait allonger à l’infini, lancinant, passionnant et terriblement saturnien! Cette nuit s’étire encore et encore avec le sensuel et vespéral Let’s Take a Ride, ballade nocturne à se damner avec les passages de bugle (saxhorns) et toujours cette voix grave caressante et pleine de tristesse.Ces utilisations de trompette, de bugle, d’harmonium et les compositions aux sonorités rêveuses et parfois très jazzy, allant même vers les sons plus ou moins bruitistes sur cet album confirment l’élargissement de la musique de :OTWATM: à l’extérieur du sphère stricte des sonorités néofolk, une démarche que Kim Larsen a déjà entamé dans son The Lone Descent, accentuée par les morceaux se trouvant dans sa compilation Bridges Burned and Hands of Time, sortie en 2019.
On continue de voir cette évolution musicale dans Fall From View, c’est 4 minutes 39 de cauchemars, de noirceur intérieure qui explose en de millier de morceaux avec ces sons saturés, comme le plafond de cette verrière, qui n’est plus éclairée que par le clair de lune et qui vole en éclat avant de tomber en pluie de cristal sur un tas vieux rêves poussiéreux et malheureux, abandonnés dans un recoin de l’existence, seuls.
Retour vers la lumière, une lumière napée de halos, comme quelque chose d’irréelle avec le chamber pop sur Love is Made of Dreams, les mélodies sont entraînantes, presque coquettes, mais l’harmonium qui constitue l’arrière plan place cette ambiance dans quelque chose de gauche, de maladroit, et d’infinie tristesse. Et ce pressentiment est juste puisque la nuit tombe irrémédiablement avec Twilight Halo et les confusions de l’esprit. L’espoir d’un meilleur lendemain virevoltent et tâchent le manteau de la nuit de ses boules de lumière sourde, incapable de briller, ni de voler vers la voûte céleste, ils se contentent de flotter là, parmi les existences confuses de ceux qui peuplent la nuit, là où les rêves sont rois et où l’irréel donne du nectar à l’espoir, comme un morceau de bois flottant dans l’océan infini de désillusion, où l’amour n’existe plus, où le coeur brisé se contente de jongler délicatement avec les pièces de puzzles de ses éclats.
Ces pièces de puzzles sont posées confusément sur la table, devant la lueur de cette bougie vacillante, des miettes de mémoire des amours passés, des temps heureux défilent sur le toile de la nuit, comme des petites coupures de films reconstitués maladroitement. Poussières sur le rebord de fenêtre et une existence alourdie par une attente sans fin, Les Journées Sans Fin et Les Nuits Solitaires. C’est une leçon de mélancolie à l’état pur, un aperçu de la solitude parmi la foule avant le magnifique chant du cygne dans Williamsburg Bridge.
Avec toute cette pérégrination, on se doute que le retour à la réalité n’est pas les plus heureux et la confirmation arrive âprement avec Nothing for Me Here et ses riffs rapides, portés par le saxhorns, toujours mélancolique comme les yeux noirs de l’amant perdu dans la nuit du temps. Le rythme rapide ne donne aucune joie au morceau, au contraire, il ne fait que dépoussiérer la mélancolie chronique qui a démarré avec Whispers of the Past, lui donnant un côté plus cru, lui tirant vers la lumière de la réalité, insupportable d’éclat!
Le coup de grâce arrive avec Barbs of Time, ardillon cruel qui n’exclut personne, batterie rapide et cinglante, mélodies froides et métalliques comme une pluie de milliers d’échardes de fer martelant sur une existence déjà en miette. Le cœur brisé est à jamais damné, même une belle fleur ne pourrait le consoler puisque cette fleur épanouie ne lui parait que comme une tâche écarlate sur un fond verdoyant qui, irrémédiablement, se fane avec le temps, implacable. Hanté par la lune et aveuglé par le soleil, il trouve son salut sur le bûcher du temps, nourris de branches épineuses qui déchire les chairs, les espoirs et même l’amour.
Your Love Can’t Hold This Wreath of Sorrow est un conte moderne, un voyage onirique vespéral, une plongé dans un romantisme noir, portés par un mélange de sonorités entre néofolk et chamber pop, belles mélodies tantôt délicates, tantôt sauvages et brutales sans jamais se départir d’une élégance intemporelle de dandy. On peut être perpétuellement triste et misérable, mais toujours avec classe!