Artiste : Faceless Entity
Origine : Pays-Bas
Genre : Funeral Black Metal
Date de sortie : avril 2022
Parfait.
C’est PARFAIT.
Le monde c’est de la merde, la vie c’est de la merde. Et pour oublier, si l’alcool n’est pas une option la musique suffocante et dépressive est une alternative. Ça tombe bien, le nouveau Faceless Entity est sorti. Et il est juste parfait.
Si les membres sont anonymes, on sait au moins qu’ils sont des Pays-Bas, berceau de formations qu’on compte parmi les plus impressionnantes du Black Metal atmosphérique et/ou dépressif, avec un goût plus ou moins prononcé pour le psychédélisme : Turia, Fluisteraars, Laster, Nusquama, et les titanesques Solar Temple.
Si Faceless Entity sont un peu plus jeunes que leurs illustres aînés suscités, on est déjà face à un très grand cru de ce terroir. Et ils sont actuellement en tournée avec une autre “entité sans visage” qui fait particulièrement parler d’elle : le mystérieux et talentueux Lamp of Murmuur. On est donc dans un cadre solide des nouveaux acteurs du Black Metal, prêts à en découdre.
Autant le dire tout de suite, chez Faceless Entity ça déconne zéro. De la première à la dernière seconde, on est baigné dans un brouillard de dissonances et de riffs crades, suintants, glaçants. Souvent assez lents et répétitifs comme des litanies, emmenés par des grooves rituels à la batterie, parfois plus atmosphériques avec des structures enlevées en trémolos et des blast beats. Faceless Entity prend son temps pour répéter cette sourde certitude ; nous pouvons tenter d’ériger tous les murs que nous voulons, rien ne nous soustraira à notre fin, et au pourrissement.
La nuit, en s’allongeant et fermant les yeux, notre vision se noircit. C’est cette sorte d’exercice, d’entraînement à mourir qui nous révèle le pourrissement de la mort, qui nous attend au-delà de la vie. Pour lutter contre les mâchoires de la mort, nous érigeons des bannières éphémères dans un combat perdu d’avance. La peur devient étouffante… Mais nous n’avons pas le choix, il nous faut dormir et continuer.
C’est ce qu’offre The Great Anguish of Rapture : la pleine conscience de cet échec inéluctable, la suffocation de l’angoisse et le soulagement du lâcher-prise, à travers un Black Metal cru, froid et hypnotique, qui paie autant allégeance à Black Sabbath et Hellhammer qu’à Xasthur et Brzm. Il y a peu de temps j’exprimais en quoi Av Sublim Nature Vetter était le meilleur album de Black Metal de 2021 par ses riffs ritualistiques baignés dans les drones et emmenés par des grooves titanesques ; The Great Anguish of Rapture fait vibrer des cordes similaires, en ayant probablement digéré des influences communes. Cependant si le rendu de Vetter est puissant et percutant, celui de Faceless Entity est déchirant et fantômatique.
Et pour les avoir vus jouer à distance d’haleine au Roadburn 2022, le moins que je puisse dire est qu’ils incarnent leur musique. Les gars sont POSSÉDÉS, livrant un Black Metal suffocant et ritualistique, baigné dans le bruit, avec des riffs hypnotiques et des voix décharnées hurlant au vide de l’existence : on tient là un grand album, qui va hanter son public dans tous les sens du terme.