Shadowplay

Quand Noël tombe un jeudi, charrettes et bœufs tu peux vendre. Mais s’il tombe un vendredi, le blé roule par les cendres.” – proverbe populaire français.

Proverbe complètement claqué au sol. Non mais sans déconner, ça veut strictement rien dire. Même les proverbes t’arrives à les foirer, Jeudi. Putain.

Comme on est dans les expressions nazes, il y a aussi le fameux “derrière tout grand homme, il y a une femme d’exception” que j’exècre. Franchement, vous avez déjà tilté a quel point c’est paternaliste ? Le patriarcat qui sort une excuse bidon pour laisser les femmes “à leur place”. Par contre, une autre version de ce dicton est beaucoup plus juste : “derrière tout grand groupe, il y a un producteur d’exception”.

Pour ce #JeuDivision, j’aimerais vous parler de l’homme de l’ombre : Martin Hannett.

L’homme de l’ombre derrière la révolution Post-Punk.

Hannett était l’ingé son de Factory Records, le label indépendant qui a accompagné Joy Division pendant leur courte carrière et qui a eu une importance considérable pour le post-punk. Et Hannett était un geek. Il bassinait tout le monde avec ses instruments dernier cri et était capable de traverser la moitié du royaume-uni pour acquérir une des toutes premières consoles d’enregistrement numérique du marché. Un féru du Digital, en somme.

Mais c’était aussi un artiste, avec une vraie sensibilité à ce que des personnalités singulières peuvent exprimer, et dans quel contexte elles s’expriment. Et son contexte à lui, c’est la grisaille de Manchester. Si le son de Joy Division en studio est si identifiable, s’il n’a pas pris une ride depuis toutes ces années, c’est grâce à lui et à son travail visionnaire.

Sur Unknown Pleasures, l’instrument-star n’est ni la guitare ni la basse. C’est la batterie, avec ces snares clairs comme de l’eau de roche, qui percent toujours à travers toutes les autres sonorités pour marquer la rythmique froide et constante. Martin Hannett aurait carrément fait enregistrer à Stephen Morris chaque caisse et chaque timbale séparément sur plusieurs sessions – je te raconte pas le calvaire – dans le but d’isoler le son « pur » de chaque élément et de créer un son de batterie froid et presque irréel. Ajoutez-y les effets de réverb rendus possibles par sa console dernier cri, la voix de Curtis, et vous obtenez LE son de la Cold Wave de Manchester : toute la froideur et l’écho de solitude de ces villes industrielles, et toute la chaleur et l’humanité qui se fait malgré tout entendre entre ces murs de béton.

Cette merveilleuse alchimie est particulièrement notable sur Shadowplay ; la clarté froide de la batterie accompagne des riffs, une ligne de basse et un chant d’une puissante sensualité. Je vous laisse donc apprécier ce grand cru, et je vous dis : à jeudi prochain.