Album : Aphelion
Artiste : Leprous
Origine : Norvège
Date de sortie : 2021
Genre : rock/metal prog bizarre
L’aphélie (Aphelion (en)) est pour un objet céleste en orbite héliocentrique, le point de la trajectoire le plus éloigné du soleil.
Source: Wikipedia
Leprous c’est un groupe bizarre, avec un nom bizarre (lépreux, en français), qui produit une musique unique et dérangeante tant elle est non conventionnelle, tout comme l’est la voix de son chanteur et principal compositeur Einar Solberg. Cette voix peut déranger au premier abord les néophytes, mais en l’écoutant attentivement, on découvre ses capacités immenses, et Solberg ici réalise des prouesses vocales pleines de nuances avec une facilité déconcertante. Bien maitrisée dans tous les registres, c’est dans les aigus que sa voix devient la sublime messagère de ses émotions.
La musique classique tient une grande place sur cet album tant dans les instruments que par la construction même des morceaux et des harmonies. Les premières notes que l’on entend sont celles d’un piano et de cordes (violoncelle et violon) qui accompagnent la voix dans l’introduction du morceau Running Low, suivis par un ensemble de cuivres. Mais à court d’idée, le compositeur ne semble pas vraiment l’être. Encore une fois c’est la surprise qui domine. Quand la batterie arrive et transforme légèrement la rythmique pour apporter une nouvelle énergie et finalement arriver sur le miracle du refrain. Ça sera comme ça sur tout l’album, de surprise en surprise.
Et celle qui prédomine aussi, c’est la présence des machines, des synthés utilisés pour apporter une rythmique souvent pleine de basse, et avec sa touche de modernité. Comme au début d’Out Of Here, douce chanson, assez sombre et qui se termine sur une rythmique bien tenue et un beau refrain. On retrouve une bonne part d’électro sur plusieurs autres morceaux (Silhouette, Have You Ever…).
Sur Silhouette justement, les cordes, mêlées à un rythme effréné, donnent une impression de musique de film, et cette impression est démultipliée sur All The Moments, l’un des morceaux clé de cet album. Ici on entend Leprous dans toute sa splendeur. Avec ces multiples voix et cette progression constante qui va déboucher sur un immense refrain pendant lequel on se croirait perché au sommet d’une montagne, à admirer l’immensité enneigée, dans une puissante et solaire lumière. Et finalement continuer sur un moment de grâce, de solitude intérieure, dans un minimalisme musical sublime et une utilisation de la voix au delà de la beauté. Les paroles disent toute la force du moment (traduction très approximative de votre serviteur):
Je passerai volontiers ma vie
À chasser désespérément le sublime
Reconstruire les murs brisés
Me fabriquer une solide forteresse
Reboucher les trous familiers
Repeindre les vieux portraits
Ce titre est né de séance d’improvisations, d’expérimentations, dans la continuité de Castaway Angels qu’il égale presque en beauté.
Le titre suivant Have You Ever, est, apparemment, le premier composé pour le groupe par le bassiste Simen Borven qui utilise ici un synthé pour nous entraîner avec lui. Dans ce titre, on sent une forte émotion qui s’approche de la rage, la rage de vivre et de se rebeller, avec ces questionnements constants qui reviennent sans cesse dans les paroles.
A noter, sur tout l’album le génial jeu de batterie de Baard Kolstad, d’une parfaite maîtrise et plein de nuances trop rares dans le large monde du metal, aussi progressif soit-il.
The Silent Revelation est un morceau qu’ils avaient débuté sur Malina (2017), et dans lequel on sent effectivement une construction de morceau plus traditionnelle chez Leprous (si cela était possible). Sur The Shadow Side, on part presque dans des contrées pop. C’est d’ailleurs une remarque qu’on peut se faire sur l’ensemble de l’album, beaucoup plus pop, mais avec un maillage de cet aspect là au sein de compositions dignes d’œuvres orchestrales.
On Hold, avait été mis en attente depuis l’album Pitfalls (2019) pour lequel il avait été composé. Ce titre est presque un space opera à lui tout seul, mais ramassé sur une durée très courte, et avec encore une fois un côté pop, mélangé avec un soupçon d’électro. La montée de pré-refrain de On Hold est l’un des moments grandiose de l’album. Si vous ne deviez écouter qu’un titre, ce serait peut-être celui-là, ou plus encore, le suivant, premier single sorti avant l’annonce même de l’album.
Castaway Angels, c’est tout simplement pour moi le plus beau morceau que Leprous ai jamais sorti et donc, la plus belle chanson de l’album à mon avis. Une chanson puissante et profonde qui commence comme une petite ballade Folk, en passant par un beau refrain, sensible. Et c’est là, après, que la vraie progression commence. Une batterie de dingue, toute en subtilité, qui nous mène à la baguette. Une mélodie merveilleuse. Leur chef d’oeuvre je vous dis. Einar nous emmène dans les cieux avec les anges naufragés qu’il sauve des mers calmes et ombragées. Ils ont pour ce titre réalisé un très beau clip, tourné lors de l’enregistrement au sublime studio Ocean Sound Recordings.
Enfin Nightime Disguise vient résoudre cet ensemble multiforme de la plus sauvage des manières. Le morceau se déroule comme une histoire que l’on suit, avec son personnage principal, apparemment torturé par ses sentiments nocturnes, qui résout finalement sa propre équation en synchronisant son corps et son esprit dans une rage toute puissante qui va finalement pousser Einar à sortir son plus beau growl, entouré d’une grandiose orchestration!
Sur la version limitée du CD, nous avons le droit à deux titres en plus. A Prophecy To Trust, court morceau assez dansant, avec ses pizzicati du début sur les cordes. Puis Acquired Taste, un morceau de leur deuxième album Bilateral (2011), enregistré en live, qui clôt avec beauté cette belle édition limitée, au livret soigné, avec un artwork somptueux.
C’est un magnifique album que vient de sortir Leprous, au sommet de son art à mon avis, et j’espère qu’ils y resteront bien longtemps.
L’aphélie est le point d’une orbite le plus éloigné du soleil, comme Leprous est actuellement à son point le plus éloigné du sol, survolant tout les autres groupes du genre, pour nous transmettre l’un des plus beaux messages célestes que le metal progressif nous ait donné.
[…] se surpassent. Et cette année, ceux qui m’ont mit en joie ne sont rien d’autres que Leprous (chronique ici), Gojira (évidemment!), Cult of Luna (toujours aussi bons même en version EP), la surprise […]