Le jeudi c’est nul.
Trop loin du week-end, trop loin du début de la semaine où t’es encore en forme, et en plus on nous enlève le seul espoir qu’il nous reste en ce funeste jour, à savoir se forger une confortable gueule de bois pour faire passer plus vite la réunion de 9h du vendredi, bouteille de coca et lunettes noires à l’appui. Salauds.
Quelle période de merde putain. C’est parti pour le #JeuDivision, la chronique de la déprime ordinaire.
Si Joy Division sont légitimement connus pour être les pères du Post-Punk et de la Cold Wave, reconnus pour des tubes lancinants et gothiques en diable comme Love Will Tear Us Apart, Isolation ou She’s Lost Control, moi j’aime bien aussi le Joy Division qui te RENTRE DEDANS. Alors pour ça je vous emmène vers une époque où Joy Division n’était pas encore Joy Division.
En plein boom du punk UK, trois petits mecs insignifiants des banlieues de Manchester se rencontrent à un concert des Sex Pistols et décident de faire un groupe parce que merde, pourquoi pas. Soit-dit en passant, cette phrase exacte marche avec un nombre assez absurde de groupes de punk. Ceux-ci en particulier s’appellent Warsaw, et pondent une démo du même nom.
Ce n’est pas encore Joy Division – il leur manque encore leur batteur définitif Stephen Morris qui apportera sa patte artistique – mais BORDEL quelle hargne. Quelle bande de teignes. C’est brut de décoffrage, simpliste, direct, mais on a déjà cette présence frappante de la basse de Peter Hook, et ce tuning de guitare si caractéristique de Bernard Sumner.
Et on a déjà les thèmes qui flirtent dangereusement avec le point Godwin ; la chanson Warsaw parle de Rudolf Hess, proche de Hitler et responsable des atroces lois de Nuremberg, qui a tenté de négocier une paix séparée entre l’Allemagne et le Royaume-Uni, et qui a fini sa vie de salopard en prison. En 1977, il était encore en vie et le seul et unique pensionnaire de la prison de Spandau.
On leur a souvent reproché ces ambiguités, entre ça et le futur nom du groupe, et à chaque fois les critiques et procès d’intention ont été balayés ; ils ne sont pas là pour faire l’apologie des idées et actions nauséabondes de leur siècle, mais au contraire pour veiller à ce que personne n’oublie. En choquant, si nécessaire. Que personne n’oublie que les pires atrocités ne sont pas commises par des monstres, mais par des hommes normaux. Des hommes, des gouvernants, des systèmes qui se mettent en place, méthodiquement, progressivement, mesure après mesure, dérive après dérive, jusqu’au basculement où il est déjà trop tard pour les masses.
Progressivement. Que personne n’oublie.
Cette démarche est ce qui se fait de plus typiquement Punk, dans l’Angleterre d’alors. Aux côtés des autres figures tutélaires de la Cold Wave et du Goth, Joy Division sont parmi les premiers dans la chronologie, mais surtout ce sont ceux dont l’ADN est le plus fondamentalement punk. Directs et rentre-dedans. La subtilité viendra plus tard.