Lili Refrain
Jouant pour la première fois son nouvel album MANA, live @ Roadburn 2022
Crédit photo : Ohlsen Overkill
Ceci est la version française. To read the English version, click here
Ritual-Shamanic-Psychedelic-Drone-Neofolk-HEAVY FUCKIN’ METAL.
Voici quelques-uns des qualificatifs qui pourraient parcourir votre esprit si, comme moi, vous avez la fâcheuse habitude à poser des étiquettes sur tout et que vous tentez d’identifier la musique Lili Refrain. Bien évidemment la meilleure chose à faire ici est de mettre cette pragmatique manie de côté pour accueillir sans a priori cette expérience musicale mystique.
Je me trouvais en errance au Roadburn Festival, dans l’un de ces moments où un choix se présente entre courir vers les grandes scènes pour tenir son planning de “concerts à voir absolument”, ou bien suivre le cours des choses et saisir l’opportunité que le moment et l’endroit présents nous apportent. Je fus très inspiré de choisir la seconde option et d’entrer au hasard dans la petite scène du Hall of Fame, car ce qui a suivi s’est révélé une de mes plus belles claques de tout le festival.
J’allais vite me rendre compte que Lili Refrain, qui allait jouer en live pour la première fois son nouvel album Mana, est loin d’être une débutante, au vu de l’enthousiasme avec lequel la foule compacte accueillit cette jeune femme tout de noir vêtue au maquillage tribal qui apparaissait au milieu de l’épaisse fumée et qui semblait saisir l’air de la pièce par sa seule présence.
Ce fut lorsqu’elle commença à jouer que nous fûmes de nouveau autorisés à respirer, au gré de ses litanies méticuleusement construites.
Lili Refrain est une multi-instrumentaliste qui se produit seule sur scène, utilisant un sampler pour enregistrer et superposer des boucles de percussions, de synthés, de guitares et surtout de sa voix d’une versatilité impressionnante ; une approche assez moderne qu’on doit aux beatmakers et street dubbers comme Dub FX, utilisée ici pour livrer une expérience surnaturelle et pleine de mystères. Des percussions tribales et solennelles, des exclamations et des soupirs, du carillon, des guitares saturées et abrasives, des mélodies au synthé, le tout débouchant sur de purs moments de grâce, que ce soit dans des chants galvanisants ou sur des riffs Heavy Metal, mid tempo, terriblement efficaces et entraînants.
Il est évident, en live comme en studio, que la voix de Lili est l’instrument principal de ce dernier album (Mana), l’épine dorsale qui structure tout le reste. Voix qu’elle utilise pour poser des rythmiques vocales, des chuchotements et des souffles, mais surtout pour déployer un chant de sorcière envoûtant et redoutable et jusqu’à un véritable chant lyrique, et s’aventurant même vers le chant diphonique tibétain par endroits. Elle chante les forces de vie immanentes, invoque les esprits élémentaux et captive son public, maintenant un subtil équilibre entre tension, puissance et détente tout au long de sa performance.
Si l’on voulait absolument donner des points de repère, on pourrait dire que Lili Refrain joue quelque chose qui s’apparenterait à Heilung, à Mike Oldfield, aux Swans et à Anna Von Hausswolff (ces deux dernières références étant explicitement citées par l’artiste), mais avec un esprit fondamentalement rock’n’roll.
Malheureusement ces entreprenantes affiliations ne permettent pas de saisir ce qui fait le sel de sa démarche, ou comment elle apporte corps et vie à ses compositions. Le secret tient à sa personnalité ; bien qu’éminemment ritualistique, la performance de Lili n’a rien d’une méthode de gourou.
Il n’y a aucune subordination, aucune hiérarchie entre l’artiste et son public : c’est une communion. Elle chante pour nous, nous regarde dans les yeux, sourit et nous rend nos sourires, elle répond aux signes et aux battements de la foule. Elle prend des mains dans les siennes. Tout du long de cette expérience tribale, nous avions un être humain, franche, entière qui s’ouvrait à nous. Pas une espèce d’autorité semi-religieuse commandant à nos émotions.
Lili Refrain est une artiste exceptionnelle, qui mérite la plus grande scène possible. Donnez-lui un large parvis et elle fera à elle toute seule mieux que Heilung pour mettre des milliers de personnes en transe, et ce sans besoin démesuré d’accessoires et de mise en scène. Sa seule présence, son talent, sa voix et son coeur suffiront.
Je souhaite remercier tous les photographes qui m’ont gentiment autorisé à utiliser leur superbes images pour cet article. Les références sont en lien avec les photos, allez voir leur travail qui vaut le détour.
(Image de mise en avant de l’article par Alexandra Aim)
MANA et tous les albums de Lili Refrain sont disponbibles en streaming et MANA est en vente physique. Allez faire un tour et écoutez donc tout ça :