Artiste : Sorcières
Origine : France
Date de sortie : 2021
Genre : Folk Black Metal
Sorcières, quintet lillois formé en 2016, a déjà beaucoup d’expériences sur scène à leur active, Mais c’est uniquement cette année qu’ils ont sorti leur premier album, après une démo (2017) et un EP (2019) qui étaient déjà très prometteurs. Habituellement, le black folk me laisse de marbre, lui préférant les courants plus sombres et plus atmosphériques dans l’ensemble, d’autant plus que tout ce qui est « folk » a tendance à me lasser très vite.Mais considérant le caractère AOC du groupe, leur nom, le magnifique artwork réalisé par Thibaut Marlard, guitariste du groupe; et pour finir, à l’écoute leurs premiers morceaux partagés sur les réseaux sociaux, ma curiosité est totalement sortie de sa tanière, prête à en savoir plus, c’était trop tard pour reculer, et ce que j’ai trouvé dans cet album en vaut absolument le détour.
Avant toute chose, le black folk de Sorcières est froid et sombre, même dans les moments où la musique tourbillonne vers le ciel, il n’est point de gaieté et de légèreté, il n’y a que l’obscurité et vent désolant. Même quand on aperçoit la lumière, elle est faite de feu et de flamme, ces serpents incandescents et menaçants qui défient même le ciel et qui jettent l’humain au fin fond de la fosse noire du désespoir.
Empoisonné nous emmène dans une chevauchée fantastique, à travers plaine, à travers forêts sombres, on franchit même le miroir des mondes pour retrouver des endroits désolés, suivi de plaine menaçante où le groupe nous dépeint les contes noires qui peuplent les âmes sans âge.
L’album est magnifiquement orchestré, il n’y a aucun moment de répit, les morceaux s’enchaînent à un rythme haletant, mais on reste accroché à la crinière de ces chevaux sauvages car la soif d’en savoir toujours plus est nourrie généreusement avec la variété et les surprises que nous réservent les pistes, depuis l’ouverture dramatique d’Anciennes Lueurs et son son bien black et son magnifique outro à la guitare sèche, qui ne nous préparent pas du tout à la suite avec L’Auberge des Corps Perdus, le son de flûte, le violon omniprésent et l’ambiance folk médiévalisant, encore un peu et on se croirait dans une sorte de taverne où sillonnent les âmes de pirates et d’autres énergumènes qui ont passé leur vie à conclure des pactes avec le diable pour finir là, à essayer d’étancher leur soif avec des boissons qui ne font que leur brûler les gosiers pour l’éternité. Cette ambiance de taverne suggérée en début et à la fin de la piste, le violon dansant enveloppant tout le morceau, autant d’éléments qui devraient sonner festif, ici, contribuent à accentuer l’atmosphère sombre et triste, comme ces âmes damnées et à jamais emprisonnées.Empoisonné arrive comme une tempête, ouverte par le growl de Pierre-Alain Devaux, porté par les cordes haletants des autres instruments et la batterie martiale d’Antoine Ricci. Le jeu de Thibaut Marlard ici est véloce et pugnace, combiné avec un excellent mix donnant de l’épaisseur à l’ensemble.
Les Yeux Verts doit être mon morceau préféré de l’album avec sa belle ouverture aux sonorités tango merveilleusement exécuté par le duo Thibaut M. et Marie Derancourt (violon & piano), comme un cheval qui fait le beau avant de se cabrer et de partir au galop pour une terrible chevauchée nocturne, parsemé de danse endiablée et ondulante des banshees fantomatiques. La manière de pincer les cordes de violon de Marie tout au long du morceau, et particulièrement à la fin, agit sur l’ensemble comme des tâches de lune éclatées sur une terre désolée, uniquement peuplée d’obscurité.
S’en suit Ordalie, merveilleux morceau presque doom avec son rythme lourd et son intro lente, ici, on ralenti le pas comme pour traverser une rivière au lit accidenté et au courant un peu trop fort, la voix de Pierre-Alain rampe, se traîne, le duo Thibaut et David Hubert (basse) l’enveloppent, l’accompagnent sur cette traversé de rivière au courant implacable mais plein de souplesse et de fluidité de la batterie d’Antoine.
Après la longue traversée, nous voilà repartir de plus belle avec Cavalière des Ronces, l’excitation du nouveau galop nous laisse croire presque qu’on sortira enfin de ce monde sombre et menaçant, qu’on verra un rayon de lumière au bout du ciel, mais c’était sans compter sur Dans Ces Eaux et sa mélancolie profonde, ses mélodies lancinantes à en déchirer l’âme. Nous voilà replongé dans le tourbillon glacé des aquilons et des eaux noires sans fond d’une terre saturnienne.
De nouveau, nous rampons, Défloraison arrive comme un animal aux aguets, lent et menaçant avant de fondre sur sa proie. Les guitares dansent comme les langues de feu de ce ciel bas, qui balaient tout sur son passage dans une danse folle de ces bras de feux, ne lassant dans son sillon que cendres et désolation, ponctué par quelques poussières tournoyant dans l’air et des lamentations au loin.
A Feu et à Sang, seul piste en anglais de l’album, naviguant merveilleusement entre calmes et explosions rythmées, les cadences sont harmonieuses et progressives à souhait, une très belle manière de clôturer cette chevauchée nocturne en trot autour d’un feu de joie, sous un ciel noir de plombe un vent froid du nord.
Les musiciens de Sorcières ont apporté un grand soin aux arrangements et à l’enregistrement d’Empoisonné et ça s’entend, l’harmonie est merveilleusement exécutée. D’ailleurs, un élément important qui ressort de l’écoute de l’album, et sûrement un des éléments importants qui a changé la donne pour moi, c’est cette influence doom plus ou moins marquante, mais qui est bel et bien présente tout au long de l’album rend l’écoute vraiment agréable, en plus des ajouts très variés de différents éléments musicaux et effets sonores.
[…] mes découvertes récentes que sont Grima, Demande à la Poussière (chronique ici) et Sorcières (chronique ici), avec chacun leur univers de black différent mais très séduisant les uns comme les […]