Acte III : Post-punk/new wave à claviers, synthpop
Album 1 : Systems Of Romance
Artiste : Ultravox
Origine : Angleterre
Évidemment quand on parle années 80, l’un des premiers courants qui vient à l’esprit est la synthpop, une branche de la new wave plaçant les claviers, en particulier les sintétiseurs dernière génération, au centre de ses instrumentations, les riffs de guitare ayant une place plus ou moins importante selon les groupes. Cependant, et ce sera le sujet de cet acte III, c’est bien à la fin des années 70, et plus particulièrement en 1978, que sont sortis plusieurs des disques décisifs dans le développement de ce stile, qu’ils soient issus de la vague post-punk ou pas. Et qui de mieus pour ouvrir ce troisième acte qu’Ultravox, unanimement considéré comme l’un des principaus fondateurs de la synthpop?
Bien que souvent considéré comme appartenant au courant post-punk, Ultravox est en fait bien plus ancien. C’est en effet en 1974 que le vocaliste Dennis Leigh, plus tard surnommé John Foxx, le guitariste Steve Shears, le bassiste Chris Allen, dit Chris Cross, le claviériste-violoniste Billy Currie et le batteur Warren Cann fondent Tiger Lily, une formation glam rock fortement influencée par Roxy Music, David Bowie, Neu! ou encore Kraftwerk, développant ainsi ce qui deviendra la new wave sans passer par la case punk contrairement aus groupes ultérieurs du genre. Fin 1976, la troupe prend le nom d’Ultravox!, le point d’exclamation étant un clin d’oeil à Neu!, puis signe deus disques à fort potentiel au cours de l’année 1977 sous la houlette du producteur Steve Lillywhite appelé à devenir lui aussi l’un des grands noms de la new wave. Si le premier album, éponime, restait ancré dans l’héritage glam rock de Roxy Music, avec tout de même quelques discrètes incursions en terres électroniques, le segond, Ha! Ha! Ha!, prenait le virage plus franchement, en particulier sur le morceau Hiroshima Mon Amour dont les nappes de clavier, la batterie électronique et le saxofone annonçaient très clairement l’avenir aussi bien du groupe lui-même que de la new wave en général. Comme souvent, une partie des critiques de l’époque loupent le coche et accueillent ces disques avec mépris, sans percevoir leur impact sur les scènes new wave en développement.
Le groupe ne compte cependant pas en rester là. Jugé trop limité dans son jeu, le guitariste Steve Shears est renvoyé début 1978, remplacé par Robin Simon dont la palette plus variée offre de nouvelles perspectives à la bande. Le nom du groupe perd également son point d’exclamation à la même période, devenant simplement Ultravox, mais le lien avec Neu! n’est pas rompu pour autant. En effet, pour la production de son troisième album, le groupe sollicite Konrad « Conny » Plank en personne, l’un des grands artisans du son krautrock allemand, connu pour son travail avec Neu!, Kraftwerk, Eloy, Night Sun, Sweet Smoke et même Scorpions à leurs débuts. Les sessions d’enregistrement de ce prochain disque se déroulent durant le printemps et l’été 1978 au légendaire Conny’s Studio de Cologne en Allemagne de l’Ouest, sous la direction de Konrad Plank évidemment, mais également Dave Hutchins et les membres du groupe eus-mêmes qui participent à la production. L’album débarque dans les bacs en septembre 1978 sous le nom évocateur de Systems Of Romance, un titre résumant parfaitement la volonté du groupe de combiner usage de machines et création d’émotions (une interprétation confirmée par John Foxx lui-même).
Aussi ambitieuse qu’était Hiroshima Mon Amour, elle semble déjà dépassée en comparaison du contenu de Systems Of Romance! Dès les premières notes de Slow Motion on comprend qu’Ultravox vient de basculer dans une autre dimension. Entre les claviers futuristes, la basse électronique, les effets divers sur la guitare, le son puissant, aucun doute possible les années 80 ont déjà commencé à Cologne! En plus de sa créativité, Slow Motion est un morceau musicalement sublime, le chant de Foxx est charmeur au possible, les mélodies incroyablement inspirées, tout y est réuni pour en faire un classique, ce qu’il est devenu! Autre sommet de l’album, le très sombre et presque industriel Dislocation voit Cann expérimenter différents sons de batterie, acoustiques comme électroniques, créant une ritmique lourde et massive s’accordant parfaitement avec les mélodies ipnotiques et le chant plus robotique, là encore le groupe a plusieurs années d’avance et aurait largement pu sortir un titre pareil en 1983 sans sonner ringard! Difficile également de ne pas entendre dans Quiet Man les prémices de ce que fera Gary Numan dès l’année suivante tant la combinaison riffs punkisants-ritmique mécanique-nappes de clavier kraftwerkiennes évoque sa célèbre trilogie « machine » de 79-80. Numan ne manquera d’ailleurs pas de mentioner Systems Of Romance comme l’une de ses principales sources d’inspiration. Notons que l’album ne tourne pas complètement le dos au passé rock du groupe, comme le montrent les très glam punk et plus orientés guitare Someone Else’s Clothes ou Some Of Them qui, en mettant à part la production surpuissante de Plank, auraient presque pu figurer sur Ha! Ha! Ha!
Après deus disques déjà plein de bonnes idées, Ultravox tient déjà son chédeuvre avec un Systems Of Romance brillant sur tous les plans. Sur le plan créatif, le groupe signe incontestablement l’un des disques les plus originaus et avant-gardistes de son époque, exploitant les nouvelles tecnologies avec une audace épatante. Au delà de son apport historique, Systems Of Romance se révèle être d’une cohérence particulièrement rare pour un album expérimental! Les membres d’Ultravox ont beau défricher de nouveaus territoires, ils ne perdent pas un instant leur immédiateté pop et dégagent ainsi beaucoup de maitrise dans l’écriture et l’exécution, on peut difficilement plus s’approcher de la perfection!
Comme ses deus prédécesseurs, Systems Of Romance ne touche qu’un public très ciblé à sa sortie, tandis que les critiques sont à nouveau divisés entre ceus qui voient en eus l’avenir de la musique et ceus qui ne les considèrent que comme des bidouilleurs de sintétiseurs sans intérêt. Ainsi, incapables de générer des revenus satisfesants, Ultravox est viré du label Island début 1979, le début d’une période particulièrement trouble qui conduit à la dissolution temporaire du groupe. Cependant, l’impact de Systems Of Romance sur la musique populaire est si énorme que le contexte ne tarde pas à devenir plus favorable. Fortement influencé par Ultravox, Gary Numan rencontre en effet un succès considérable en 1979, d’abord avec son groupe Tubeway Army puis en solo en 1979, et contribue ainsi à populariser la synthpop auprès du grand public. Tandis que John Foxx se lance en solo avec Robin Simon dans son équipe, les trois autres membres du groupe, Billy Currie, Chris Cross et Warren Cann, reforment Ultravox fin 1979 en compagnie du chanteur-guitariste Midge Ure que Currie a cotoyé au sein du projet synthpop Visage. Cette nouvelle incarnation rencontrera le succès dès son premier album Vienna en 1980, et sera tellement assimilée aus jeunes formations synthpop formées après la sortie (entre autres) de Systems Of Romance qu’une grande partie du public ignorera que le groupe est en fait bien plus ancien. Mais que ce soit Ultravox avec Midge Ure ou John Foxx en solo, tous deus ont bati sur les fondations établies par Systems Of Romance, qui restera à jamais le tournant majeur aussi bien du groupe que de tout le courant synthpop.