Rétrospective 2021: Pagus

En musique comme dans bien des domaines, je suis toujours plus extrême que je n’en ai l’air. Je tente de bâtir des barrières infranchissables entre le monde extérieur et ce tsunami, ce maelstrom intérieur qui peut parfois tout détruire, tout emporter et ne rien laisser debout. Il en résulte un équilibre précaire qui produit toutes sortes de résultats, comme par exemple, cette rétrospective. Aussi illusoire et vaine que je considère toute cette entreprise de classement, je la tiens pour divertissante et conviviale dans une Communauté comme celle du Riff, comme un échange de cadeaux qui viendraient directement de notre coeur, de notre âme. Car oui, il n’y a parfois rien de plus beau que de montrer la Beauté là où on l’a perçue et de trouver un autre être humain pour dire, oui! Je la vois aussi… Qu’importe alors l’exhaustivité, les goûts qui évoluent, la mémoire qui fait défaut, les choix biaisés, ou autres facteurs qui rendent tout classement caduque, voire toute liste futile.

Néanmoins, quand on sait, comme certain.es de mes camarades, pallier à nos oublis potentiels dans des années extrêmement denses en sorties intéressantes (certain.es ont des routines bien rôdées), quand on sait aussi assumer nos sensibilités sans prétendre décréter quelles seraient les sorties dignes d’intérêt ou non, alors on aime se faire passeur, par satisfaction personnelle, mais aussi par intérêt collectif. Le temps que l’on passe sur une oeuvre, les mots choisis pour aiguiller nos membres vers nos coups de coeurs sont autant de ressources investies pour que tout le monde bénéficie de ces échanges, et bien sûr les membres apportent énormément. C’est presque un écosystème, si j’ose dire, et il me semble que lorsque l’on contemple ça comme un scientifique observerait une forêt ou une prairie, on peut y voir une certaine harmonie. Bien sûr, cela reste les réseaux sociaux mais laissez moi donc ce petit moment d’émerveillement, qui ne durera pas car rien ne dure!


Mes biais personnels sont multiples, mais parfois si obscurs que l’on ne pourra y voir une logique que si l’on a trop d’informations à disposition. Et certaines pourraient probablement mettre votre santé mentale en danger, croyez moi (j’exagère à peine). Mon top 30 est quasiment une Arche de Noé musicale, dans le cas bien sûr où chaque album pourrait se reproduire de façon spontanée une fois le Déluge terminé et la Terre en vue. Et pourtant, il manque des genres, car comme je viens de le dire, je suis biaisé. Mais comme j’assume, laissez moi poursuivre cette rétrospective sans honte:

Le fameux Top 30

1. Vola « Witness »

2. Nixil « All Knots Untied »

3. Therion « Leviathan »

4. Windfaerer « Breaths of Elder Dawns »

5. Wiedergänger « Cult of Extinction »

6. Greta Van Fleet « The Battle At Garden’s Gate »

7. Anneke Van Giesbergen « The Darkest Skies Are The Brightest »

8. Unto Others « Strength »

9. Ungfell « Es grauet »

10. Violet Cold « Empire of Love »

11. King Buffalo « The Burden Of Restlessness »

12. Grima « Rotten Garden »

13. DARE « Against all Odds »

14. Subterranean Masquerade « Mountain Fever »

15. Leprous « Aphelion »

16. Voices « Breaking the Trauma Bond »

17. Mastodon « Hushed and Grim »

18. Ars Moriendi « Le silence déraisonnable du Ciel »

19. Dordeduh « Har »

20. Gravpel « Power to the Filthy Masses »

21. Këkht Aräkh « Pale Swordsman »

22. Blockheads « Trip to the Void »

23. Woman is the Earth « Dust of Forever »

24. Spectral Wound « A Diabolic Thirst »

25. Diabolizer « Khalkedonian Death »

26. Lamp of Murmuur « Submission and Slavery »

27. Archspire « Bleed the Future »

28. Manchester Orchestra « The Million Masks of God »

29. Frontierer « Oxidized »

30. Diskord « Degenerations »

Il y a sans doute un ou deux trucs qui vous raviront les esgourdes!

Le Coup de Coeur démoniaque : Nixil

Des coups de coeur, des découvertes, des confirmations… Une année riche et qui a été porteuse d’espoir. Pourtant, mon numéro 2 est un album de Black Metal Progressif, mélodique certes mais porteur d’un message et d’une conviction anti-cosmique (et accessoirement, antifasciste). Les Américains de Nixil m’ont soufflé, avec une puissance et une capacité à hanter mon esprit qui m’ont impressionné. Leurs compositions sont extrêmement bien ficelées, la preuve ci-dessous.

Les Mélodies du Quotidien

Alors après Nixil, mon coup de coeur principal, le groupe que je voulais mettre en lumière en cette fin d’année, il y a bien sûr Vola qui ne m’ont pas quitté depuis que Straight Lines est venu ravir mes oreilles pour la première fois. Je les ai donc naturellement placés au sommet, les ayant chroniqués, écoutés, adorés, promusLeprous, que j’ai enfin découverts cette année, m’ont tout à fait convaincu avec leur nouvel effort, mais ils n’ont pas non plus réussi à bouleverser cette hégémonie Danoise sur mon coeur de mélomane. Comme je l’ai dit plus haut, l’ordre de ce top est un mélange entre mauvaise foi assumée et tentative maladroite d’être honnête. Therion, par exemple, a sorti un album qui ne comptera pas forcément pour tout le monde, mais il m’a fasciné, j’y suis revenu très souvent, et comme le dit plus ou moins Alex, dans une vie de famille il arrive souvent que les disques s’inscrivent dans notre rythme de vie et avoir des disques « écoutables » en famille est un plus indéniable. Vola, Therion, Leprous ou Anneke Van Giesbergen pouvaient tous s’inscrire dans une vie plus ou moins normale, sans avoir l’impression qu’un démon a été libéré dans le salon. Il en va de même pour Manchester Orchestra et sa magie Pop/Rock (et son titre d’album vraisemblablement inspiré de Joseph Campbell, non négligeable pour moi).

La Bagaaaaaaaaaarre !

A défaut de démon, on pouvait aussi opter pour le déchaînement d’une émeute sonore dans son humble salon avec les Blockheads, nos héros français du Grindcore le plus respectable, et le plus jouissif. Un retour gagnant et qui donne le sourire au milieu des coups dans la tronche.

Il y a aussi le HxC de DARE, entraînant, rythmé par une basse qui m’a réjoui, et malgré l’agressivité je n’ai pas pu m’empêcher d’y percevoir quelques rayons de soleil.

Fifty Shades of Death Metal…

Il y a un moment dans l’année où la présence du Metal de la Mort n’était pas garantie dans mon top 30. Mais il aura suffit de quelques écoutes pour que s’imposent Voices, Archspire, Diabolizer et Diskord. Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Turquie et la Norvège.

Un death progressif et avant-gardiste :

Un death ultra-technique, rapide et brutal :

Un death puissant et old-school :

Et un death dissonant, technique et disons le, follement excitant :

Il ne s’agit bien sûr que d’un petit échantillon de ce que l’année nous a réservé dans le domaine et il y a quantité de tops spécifiques qui vous révéleront que le Death Metal reste, paradoxalement… Bien vivant!

Silence Déraisonnable, Oeuvre Grandiose

Je terminerai cet article, avec quelques mots pour Ars Moriendi, projet musical qui me tient à coeur, là encore pour des raisons assez évidentes (la qualité, la recherche et la sophistication sont au rendez-vous) mais aussi pour des raisons personnelles, car quand on échange avec la personne derrière le projet on comprend mieux certaines choses, elles semblent plus cohérentes, et paradoxalement la magie de l’artiste mystérieux n’est pas franchement utile et je lui préfère ici le bosseur perfectionniste qui se démène pour porter sur disque son univers, ses ambitions et la synthèse musicale de ce qui le fait vibrer. Le silence déraisonnable du ciel est une fois de plus un parfait mélange entre riffs accrocheurs, incursions avant-gardistes, noirceur et mélodies. Les textes en français sont cruciaux à l’équilibre de l’ensemble, et le morceau final est par exemple une belle preuve de l’identité forte de l’artiste, et de son caractère inclassable.

Bonus : le top étendu

Voici 69 albums, sans véritable classement… Il en manque, et ma synthèse ne me satisfait pas. Ce top, cet article, devraient changer, du moins tant que je parle de musique et pas de moi-même. Car ce chapitre, moi en 2021, est clos. C’est un fait! Mais le bilan de cette année, reste ouvert…
Il manque dans la liste de droite deux références: Massive Charge et leur brûlot For Those We Hate, le petit frère de Blockheads qui se joint à eux pour filer des mandales, et Frostlagte Måne , un double album de Black Metal assez ultime, entre compositions personnelles très inspirées et reprises non moins excellentes de classiques du BM … comme d’un groupe de rock Russe (le groupe étant du pays de Vladimir Putin).