Artiste : Vetter
Origine : Norvège
Date de sortie : 2021
Genre : Black Metal Psychédélique
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Me voici face à un dilemme. Moi qui d’habitude attaque une nouvelle chronique avec une relative confiance – pour ne pas dire pédanterie – et quelques idées littéraires et effets de manche pour captiver mon auditoire à peu de frais, je me retrouve ici sans voix et sans idée face à un monstre sonore qui m’a subjugué durant l’essentiel de l’année 2021 en carburant à l’émotion pure, sourde, sans voix et donc sans mots.
Il est une chose dont je suis certain cependant, c’est que ce que nous avons entre les mains est le tout meilleur album de Black Metal sorti cette année-là. Peut-être même le plus “TRUE” de tous. Bien entendu une affirmation aussi péremptoire que celle-ci, si elle sied à l’arsenal rhétorique du blackeux moyen, appelle au minimum à réévaluer cette question souvent oubliée : Qui es-tu, Black Metal ?
Vetter est une entité Norvégienne, déjà. C’est le projet d’un homme, Håvard Tveito (avec un batteur invité sur ce second album tout de même). Il n’a produit “que” deux albums visionnaires espacés de presque dix ans, et est tourné vers le vieux folklore Norvégien et une certaine fascination envers la nature. Jusqu’ici tout va bien, pas vrai ?
En réalité, c’est un peu plus compliqué que ça.
Les moyens techniques, la production et l’approche de composition sont modernes. Mais le son, l’esprit, l’atmosphère ont quelque chose d’ancien. Très ancien.
Av Sublim Natur ne vous emmènera pas dans le train fantôme des riffs en trémolos et des blast beats enregistrés au cuiseur vapeur, direction Givre-Land. C’est plutôt l’ancienne Forêt du Nord et ses mystères qui vont se matérialiser tout autour de vous au gré d’incantations puissantes, rauques, Sabbathiennes. Des nappes de guitares en drones. Une ligne de basse sourde et monolithique. Un blast beat massif démarre… Et nous voilà partis.
L’album offre une expérience de prime abord oppressive et étouffante, mais hypnotique. En soi il y a très peu de mélodies ; on est plutôt portés par des constructions dissonantes pleines de drones, des paysages sonores plus que des riffs à proprement parler. Pourtant le projet n’a rien d’ambiant ; la batterie assurée par un certain N. M. Haufgos déboîte à tout instant avec des blast beats musclés, et surtout des breaks et des grooves massifs comme des trous noirs. Bill Ward qui se serait transformé en incroyable Hulk.
Le son de Vetter, indiscutablement Black Metal, est unique en son genre. Cru, glacial et ritualistique, c’est un mariage de Heavy Psych dissonant avec un Black Metal à l’ancienne, qui sent bon le Blaze in the Northern Sky, les riffs plombants d’un Hellhammer / Celtic Frost et les tonalités en lame de rasoir d’un Thorns, posés sur des grooves Kyussiens. Mais à la différence de nombre de (très bons) groupes produisant un Black Metal old school au son “Raw”, la production de Av Sublim Natur est au contraire moderne et parfaitement bien balancée.
Du bruit, il y en a. Beaucoup. Mais chaque ligne instrumentale, chaque arrangement est parfaitement à sa place : la basse, la batterie, les nappes de guitare, les rares claviers et le chant, tout est là. Audible mais parfaitement fondu dans l’ensemble, au service du feeling global. On ne “remarque” pas les instruments, on les ressent.
Av Sublim Natur est de ces quelques albums qui, au-delà des codes du genre, me rappellent à l’essence du Black Metal : une esthétique sonore dépouillée, primitive et puissante au service de l’atmosphère et de l’émotion brute. Une furie cathartique qui transcende la colère, la peur, le désespoir en quelque chose de plus vaste que soi. Cet album m’a accompagné dans mes pires moments, me permettant de me réapproprier ma douleur, de la faire mienne plutôt que de l’esquiver.
Voilà en quelques mots le son de Vetter : des paysages de guitares bourdonnantes et dissonantes venues des entrailles d’un ancien Monde, des percussions puissantes et un chant incantatoire, rauque et profond. Un vent mauvais immémoriel, un torrent étouffant et hypnotique de la plus sombre essence. Et le meilleur album de l’année 2021 à mes yeux.
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