Basse, batterie, guitares – power chords en tête – depuis 1976, Dave Hill (chant) et Malcom « Mal » Spooner (guitare) travaillaient dur tout en invoquant le Démon…
Bête erreur de casting : au lieu d’un démon, c’est Carrère qui se pointa pour signer le Pacte avec eux. Carrère? Le label du père Claude Carrère ? T’es sérieux, là ? La maison franchouillarde manageait Sheila, éditait Ringo, Hervé Vilard, Sacha Distel, Claude François, Carene Cheryl ou Christophe, inventait « Interville » et « Commissaire Moulin ». Vous voyez le topo ? Bien sûr, après le yéyé et la variétoche, l’ancêtre s’était timidement ouvert au rock via Creedance Clearwater Revival ou JJ Cale, puis avait donné dans le disco avec Boney M et ses danseuses bonnet D, mais il avait loupé la première vague de hard rock anglais (bien qu’étant parvenu à gauler Roger Glover et ses amis avec leur fameux « Butterfly Ball »). Quant au spot punk, il ne l’avait même pas vu rouler. Toutefois, truffe au vent, le père Carrère sentit très tôt se lever la Nouvelle Vague du Heavy Metal Britannique. Ainsi, dès 79, il éditera SAXON, en 80 ce sera WHITESNAKE et en 81 il complétera son écurie de hardos avec : DEMON, DOKKEN, ROSE TATOO et RAGE (UK)… et roule, ma poule !
Conformément au Pacte, DEMON sortira « Night Of The Demon » en 81 et « The Unexpected Guest » en 82. C’était du vrai Hard avec, sur une base rock solide, de bons riffs, de la saturation, un sens aiguisé du refrain, des ambiances de film d’horreur et un chtit côté satanique à faire buzzer les puritains : 100% dans le moule de la NWOBHM.
Personne n’en parle, mais il s’est forcément passé un truc. Manager des artistes, n’a rien à voir avec de la maçonnerie. Carrère comptait probablement sur DEMON pour construire un temple occulte voué au Hard Rock, mais les briques se sont rebellées, elles avaient un projet différent. Sans doute était-ce là leur truc, s’inviter où on ne les attendait pas et le Pacte fut rompu. La légende dit qu’après le départ de DEMON, l’ancêtre s’était retrouvé seul et abattu. Qu’à cela ne tienne, pour les remplacer il a fait les yeux doux à Gilbert Montagné qui n’a rien vu venir.
De son côté, DEMON a rejoint un petit label indé, bricolé dans l’arrière-boutique d’un disquaire de Stoke-on-Trent (GB), rue de l’Espoir… C’est là que le DEMON se métamorphosera. Au Diable les messes noires et bonjour l’univers noir d’une dystopie conceptuelle, le 3ème LP du groupe : « The Plague ». Cet album n’a rien à voir avec ses deux prédécesseurs. Les compos se complexifient, les guitares se dé-saturent, et la voix inimitable de Dave prend une toute autre dimension. La majorité des fans n’a rien compris. C’était toujours marqué DEMON sur la couverture et, à l’intérieur, la galette était toujours aussi métaphoriquement et littéralement noire. Pourtant, gravés au fond de ses sillons, elle portait les stigmates d’un hard progressif déroutant. Oui, un truc s’était produit, la volonté des artistes s’était exprimée. Comme si cette métamorphose avait été l’œuvre du Malin, comme s’il y avait eu un prix à Lui payer, le 10 décembre 1984, Mal fut emporté par une pneumonie.
Malcolm Spooner laissera derrière lui toutes les compos et bandes du 4ème album, le chef d’œuvre du groupe dont il n’assistera pas à la sortie en 85 : « British Standard Approved »
Plus de trente-cinq ans après, je ne peux toujours pas écouter cet album sans frissonner. Le son n’a pas pris une ride, il est limpide, subtil comme un Pink Floyd de grand cru. On sait que depuis ses débuts DEMON aimait les ambiances (cf. intro des 2 premiers LP) mais là, c’est l’album complet qui est une ambiance. On l’écoute comme on ferait une traversée de l’Atlantique sur le pont d’un paquebot, en plein brouillard. Entre deux nappes de brume émergent des mélodies, les échos d’êtres vivants. On passe de la narration à la chanson sans comprendre comment. Il y a une émotion dans le timbre de Dave digne de Roger Waters, du jeu d’acteur autant que de la puissance mélodique. Et cette foutue tension, toujours plus forte au fil de l’histoire. On sent qu’il va se passer quelque chose de grave. Mince, on est sur le Titanic ou quoi ? Oui, mais pas besoin de nommer les choses, ni de décrire le choc – ça ferait cliché – ici, la catastrophe est intérieure vissée aux trippes du narrateur.
Passé cet album, passée la catastrophe, passé le deuil, le groupe continuera et continue toujours vers des horizons que je vous laisse découvrir par vous-mêmes entre Hard Rock, Heavy Metal, Rock Progressif. Il saura vous surprendre comme… un invité inattendu.