Artiste : Starsailor
Origine : UK
Date de sortie : 2001
Genre : Britpop
Love is Here, une missile lâchée dans le paysage du Britpop début des années 2000s, paysage déjà bien dominé par les mastodontes du genre comme Coldplay, Oasis, Blur dont les albums ont squatté tous les tops en l’an 2000, ou même Travis qui sortait leur The Invisible Band la même année que ce début album de Starsailor, des newbies sur cette scène bien saturée. Pourtant, ils sont loin d’être des inconnus de la scène puisque le quatuor du Wigan, ville située au Nord-Ouest du Grand Manchester, composé de James Stelfox (bassiste), Ben Byrne (batteur), James Walsh (chanteur, compositeur, guitariste) et Barry Westhead (claviériste) se sont déjà fait connaître dès 1999 en jouant dans différents événements dont le prestigieux Glastonbury Festival; et c’étaient grâce à ces performances qu’ils se sont fait remarqué et décroché un contrat avec EMI en 2000.Il a fallut leur second album, Silence is Easy, et le méga tube Four to the Floor pour que le groupe se fasse connaître outre manche et internationalement. Pourtant, ce premier album est un bijou, regorgeant de morceaux qu’on pourrait qualifier de tubes tant la qualité des compositions et la beauté simple des mélodies sont au rendez-vous. C’est un concentré de mélancolie pure, renforcé par la voix gorgée d’émotion, à en foutre les tripes par terre, de James Walsh.
Love is Here, ce titre qui se veut simple, un tantinet romantico-naïf, dénote étrangement avec cette pochette montrant les rails qui prennent presque feu sous un soleil de plomb et qui vont se perdre à l’horizon. Derrière cette apparence de liberté et de légèreté se cache une fuite, une fuite désespérée et une oppression tellement présente que ça écrase tout cet amour sur ces rails chauffés à blanc, et ce jusqu’à l’horizon poussiéreux et orangé; si l’horizon est l’avenir, il est bien opaque!
L’album nous cueille dès le commencement avec Tie up My Hands et son intro mi haletant mi nonchalant avec la combinaison de guitare sèche, la basse discrète et le boom boom de la batterie. Puis la belle voix de James pose le décor, on comprend de suite de quoi il s’agit en suivant la narration de cette histoire d’amour désespéré. Un amour généreux mais sans issus, non réciproque. Pourtant, malgré toute cette tristesse qui transpire et qui plane dans l’air comme ces passages discrets du clavier, il s’accroche, il attend toujours l’aube d’un jour nouveau où il sera accepté.
I wanna hold you but my hands are tied
I wanna sleep here but I’ve been denied
Let’s watch the clock until the morning sun comes out
Les choses s’accélèrent avec Poor Misguided Fool, les riffs plus rapides mais conservent toute sa mélancolie, renforcée par les notes de clavier, aussi beaux que les rayons de soleils tachetés sur un cours désertique de quelques fermes abandonnées un après midi d’été. L’ensemble évoque une déferlante d’énergie, l’énergie de tous les amoureux aveugles qui veulent rendre heureux l’être aimé à n’importe quel prix. Et malgré cet amour non réciproque, il lui promet d’être là quand elle a besoin de lui, quand le monde lui tourne le dos, il sera là pour elle. Même si elle ne l’aime pas, lui, il l’aime et c’est tout ce qui compte.
Whenever you need a home
I will be there
Whenever you’re all alone
And nobody cares
You’re just a poor misguided fool
Who thinks they know what I should do
A line for me and a line for you
I lose my right to a point of view »
S’en suit un long passage avec des morceaux aussi irréels que des rêves. On oscille entre souvenirs, rêves, et la réalité, si tant la réalité est réelle… La voix de James est plus que jamais mélancolique et il déploie toute la richesse de ses cordes vocales, tantôt éthérée, envoûtante, tantôt lancinante, implorante, d’une tristesse écrasante, on croirait presque que sa voix est trempée dans un bain lacrymal par moment (Fever). Les instruments ne sont pas en reste, Starsailor a l’art de poser une ambiance avec les arrangements harmoniques et d’alterner les passages calmes avant les explosions instrumentales et vocales qui viennent chatouiller le tréfonds de ton petit cœur, les spécialistes des montagnes russes! Parmi eux, notons Lullaby, une magnifique balade psychédélique surfant sur les vagues de guitares bondissantes et du clavier frétillant, créant une atmosphère unique, qui n’existe que dans ces rêves éveillés, où l’on perd la notion du temps et de la réalité.
Et vint le moment fatidique, où l’amoureux se réveille de son long sommeil de funambule, il ne se reconnait plus, ni ne reconnait la femme dont il est amoureux, celle qui passe son temps à pleurer, à en avoir une rivière de larme dans les yeux car elle a long temps couru après une chimère (#ScarletOhara). Mais le cœur de l’amoureux est maintenant écrasé, comme une tache rouge sur le sol, il est perdu. Encore cette enchaînement de montagne russe avec She Just Wept et Talk Her Down, comme une tempête qui débarque après le silence hébété et lourd du ciel.
Vient maintenant le moment de la chanson éponyme, et vous savez quoi? C’est une chanson d’adieu, il la quitte pour de bon! Ce morceau d’une beauté tragique est là, depuis le début de l’album, il tapit dans l’ombre et surgit maintenant comme une bête blessée, avec toute la force tragique long temps contenue. Le rythme est lent, la lourdeur est bien présente, même les passages claviers sont denses de mélancolie; mais parmi tout ça, plane une sorte de légèreté, la légèreté du lâcher prise, celui qui se réalise enfin qu’il n’y a rien pour s’accrocher et il ne sert à rien de s’accrocher. Le rythme obsédant et les paroles d’une tristesse à en pleurer.
Can you feel it
Love is here
It has never been so clear
You can’t love what you have not
So hold on to what you’ve got
Puis vient un peu de légèreté avec Good Souls, ce morceau lumineux, comme une percée de lumière après la tempête. L’amoureux a encore la bouche amère, pâteuse, comme après une longue nuit alcoolisée, mais il se sent maintenant surement mieux… Mais est-ce la réalité? Ou cette sensation est encore un mirage, causé par quelques substances psychotropes, destinées à soulager la douleur de la séparation? En tout cas, un jour à la fois, un pas après l’autre.
L’album se clore sur Coming Down, qui débute avec un son de clavier grave, sonnant comme un couperet qui tombe. L’amoureux est maintenant au bout de sa route, clean, sobre de tout mirage, de toute illusion. La voix tremblotante, toujours d’une tristesse infini, il met fin à cette histoire qu’il a traîné trop long temps sans voir poindre cette aube si désirée. Non sans amertume, mais avec une légèreté sous-jacente qu’exprime la ligne de guitare régulière qui accompagne la voix et qui met fin au morceau de manière laconique. Spirit’s died!
Love is Here est un album qui parle aux tripes, qui touche les coins les plus reculés du cœur, c’est une longue descente aux enfers de l’amour et le réveil difficile après cette terrible ivresse. Tout cela est conté parfaitement par un James Walsh à la voix terriblement expressive et des compositions d’une simplicité efficace, combinées à un arrangement harmonique intelligent. Malgré cette terrible tristesse que transpire de chaque note, ce n’est pas un album pessimiste, ni désespéré, loin de là. Derrière ce mur opaque de l’horizon sur cette pochette orangée, il y a autre chose: la vie, l’inconnu! Et ils vaillent le coup.
Si après cette chro complètement désespérée, vous ne vous êtes pas suicidé, cliquez. Je vous assure, c’est beau!