Artiste : Demande à la Poussière
Origine : France
Date de sortie : 2021
Genre : Blackened Sludge/Doom
J’aurais pu déjà commencer ma chronique pour la sortie de ce second calamaropus des parisiens fin Mars, mais en tant que bonne psychorigide je suis, j’ai tenu à attendre le CD en physique, et je ne suis pas déçue. Connaissant le gabarit du groupe avec leur excellent premier album Demande à la Poussière, j’étais sûre que ce second album donnera de leur meilleurs via ma petite chaîne!
Bref, trois ans après leur 1er calamaropus, Demande à la Poussière revient avec un Quiétude Hostile encore meilleurs que ce qu’on pourrait attendre. Presqu’une heure de mélodies qui hument bon le souffre, les riffs telluriques, traînards et lourds nous enrôlent dans un monde de total désespoir, un monde plein de noirceur où chacun est un prisonnier, tournant en rond et qui attend son tour à l’échafaud. Le ton est donné dès le premier morceau avec un cri d’outre tombe, sommant la douleur de cesser, en vain! S’en suivent les couches épaisses de mélodie et la voix lancinante de Krys, remplie de douleur, crachant le souffre à plein poumon. Les guitares saturées vont se précipiter pour épuiser leurs riffs sur un versant de colline fumant la désolation.
Et voici que Morphème vous entraîne doucement dans son atmosphère oppressante, les riffs hypnotiques et agressifs ne vous laissent aucun répit, le flot tellurique vous submerge de telle sorte qu’il n’y a que cette voix criante et désespérée qui peut vous aider à garder le cap, embourbé dans ce marais de roches fumantes. Qu’on ne se méprenne pas, Éréthisme n’a d’éthéré que les formes fantomatiques que le corps voit à travers les voiles fiévreuses de sa vision malade. Nous voilà reparti pour une course poursuite au ralentie, exactement comme dans vos pires cauchemars où votre corps refuse d’avancer alors qu’une horde de démons terrifiants est à vos trousses! Les riffs de plombe pleuvent péremptoirement à travers la piste, vous chassant dans vos derniers retranchements , ces recoins des tripes où il y a tout sauf de la tranquillité! Le morceau titre pointe son nez, terrifiant, bouillonnant, avec des gouttes brûlantes, crachées depuis la bouche de l’enfer lui-même. Les riffs se muent en serpents de lave ondulant sur cette voix devenant suppurante, remplissant l’atmosphère d’une noirceur poisseuse! « Sombrer peu à peu dans une quiétude hostile« .
Après une telle vision méphitique, profitons bien du calme presque désaltérant de Perdu, mais ce n’est qu’une leurre dans ce monde où l’âme est égarée, loin du corps, détachée et errante, les guitares pleurent avec les chœurs obsédants, déchirant! Un petit goût du monde diluvien à la October Tides avant le silence.
Bois de Justice est peut-être le morceau le plus black et le plus agressif de l’album, mais la lourdeur rampante de l’esprit général reste omniprésent, comme l’ombre menaçante qui suivra le condamné à mort jusqu’à l’échafaud. Terrifiant morceau retraçant les derniers instants de vie d’un condamné, non sans rappeler le non moins poignant roman de Victor Hugo, cette nonchalance oppressante est la même, les voûtes basses des mélodies qui palpitent en plus!
Le point culminant de l’album est atteint avec L’oublie du Contrasté, le rythme se déchaîne, les riffs s’emballent, comme si cette âme, contenue depuis long temps, maintenant délivrée, s’explosent en de milliers de cotillons écarlates de pensées dans les airs. C’est à ce prix que coûte la liberté de réflexion! Expirant arrive comme un filet de brouillard dans la lumière blafard d’une aube hivernale, fantomatique et sauvage. La musique devient changeante, multiforme, comme ces fantômes qui peuplent la vie elle-même: putrides et hideux, noyant tout dans la boue sur leur passage. Pour ce morceau de fin, le groupe intègre un saxo, son magnifique qui accentue l’irréel et accompagne parfaitement l’atmosphère dramatique de ce morceau. On s’envole enfin avec le son du saxo de fin, délicat et léger, comme le son du toucher d’une plume sur la surface d’une goutte de rosé, comme le dernier soupire…
Magnifique album que Demande à la Poussière nous offre en ce début de printemps, dépassant largement la barre déjà haut, posée par leur premier opus. Un bijou tellurique de la plus belle facture.
[…] de Grey Aura, vous trouverez mes découvertes récentes que sont Grima, Demande à la Poussière (chronique ici) et Sorcières (chronique ici), avec chacun leur univers de black différent mais très séduisant […]