Artiste : Moon Coven
Origine : Suède
Date de sortie : 2021
Genre : Stoner Doom Psychedelic
Il y a des gens qui aiment bien découvrir de nouveaux groupes qui proposent des choses originales, des mélodies sorties tout droit des suites d’équations truffées de chiffres et ponctuées de f, l, x, y , z, parfois même de u, calculées par des logiciels mathématiques; des mélodies à la fois belles et complexes comme la suite de Fibonacci dont l’expression visuelle ultime se trouve cachée au grand jour dans des choux romanescos!
Et puis il y a ceux qui aiment juste le travail bien fait, même quand ça ne révolutionne pas la surface animée de l’océan de la musique; car le travail bien fait qui permet de se démarquer et de se hisser au dessus des vagues, en soi, c’est déjà une prouesse technique et charismatique qu’il faut bien maîtriser, et c’est le cas des suédois de Moon Coven.
Initialement baptisé Waning Moon, le groupe est formé à Malmö en 2012 et s’est rapidement changé en Moon Coven. Le quintet d’origine est composé de David Leban au chant et à la guitare, les guitaristes Axel Ganhammar et Justin Boyesen, le batteur Fredrik Dahlqvist et Oscar Johansson (basse et vocal), mais actuellement, il ne fait plus parti du groupe.
Depuis leur création, le groupe nous a sortit 3 EP et un premier full-length éponyme en 2016, un très bon album qui suit étroitement les influences dont le groupe se revendique, soit le fils métisse de Black Sabbath, Sleep et Acid King, en passant par les ambiances Pink Floydiennes. Mais avec ce dernier opus, le groupe atteint un autre niveau d’expression. On retrouve toujours le terreau de base: heavy, sombre, psychédélique et lourd, mais cette fois-ci, nous remarquerons une belle maturité dans les compositions, le groupe nous gratifie des riffs gras, empreints de leur touche très personnelle et des ambiances plus éthérées que jamais grâce à la belle voix lumineuse de David Leban.
Further ouvre le bal avec son riff lourd et gras comme une pluie de poix, nous invitant à partir plus loin dans le voyage qui s’ouvre sur une route poussiéreuse, ponctuée de formes délicates et transparentes comme des fantômes errants, ondulants au rythme lumineux de la lead guitare.
Ainsi, nous avançons de plus en plus sur cette route, s’arrêtant de temps en temps pour contempler ici une grotte profonde, et là un temple obscure où se déroule une cérémonie mystique dont on ne sait pour quoi, ni pour qui. Les riffs sont de plus en plus lourds, de plus en plus fuzz, il s’en dégage une atmosphère aussi sombre et menaçante que le morceau le plus sombre de Sabbath, on s’attendrait même presqu’à entendre la voix nasillarde d’Ozzy. Mais non, c’est cette voix claire, à la limite du rêve de David qui nous emporte et nous guide à travers les méandres sombre de ce temple maudit.Puis on s’élève petit à petit, toujours avec cette poix collant de la route au pied tant la gravité et la lourdeur de l’ensemble de faiblissent pas. Au contraire, ils s’intensifient mais s’offrent le luxe de se parer des plumages cristallins de la voix étincelante et des mélodies ondulantes qui démarrent au raz du sol, mais qui, peu à peu, s’évaporent en volutes épaisses vers les cieux.
Eye of The Night me fait l’effet d’un margarita composé de moitié Candlemass et moitié St. Vitus, le caractère épique en moins, quoique le chant incantatoire de Leban, sommant l’auditeur à le suivre a aussi quelque chose de très épique.Changement d’ambiance avec le combo Tower of Silence et Bahgsu Nag. La coupure net avec le début d’album se fait via l’interlude de dissonance orientalisant, aux couleurs et aux circonvolutions des mandalas des plus mystiques pour enchaîner sur un Bahgsu Nag résolument psychédélique, aérien et éthéré à souhait, surement la piste la plus psychédélique de l’album avec les boucles de guitare infinies et les mélodies qui, tour à tour, se dilatent et se contractent. Ce titre, du même nom d’un quartier indien de la ville de Dharamsala au Nord de L’inde, nage dans les eaux ondulantes du plus beau stoner psychédélique, à la Samsara Blues Experiment ou My sleeping Karma, et Moon Coven réussit l’épreuve avec brio, aussi ingénieux et force de caractère que les saumons nageant contre courant pour rejoindre l’océan. Ici, Leban lâche la bride à sa voix claire et ample afin que cette dernière s’envole et rempli l’atmosphère en dansant sur les mêmes plages que les mélodies aériennes et ondulantes du clavier hypnotique.
Retour à la lourdeur gras avec Seagull, mais la piste conserve l’élément psychédélique initié plus tôt et cette fois-ci, la voix de Leban est plus que jamais lancinante, couplée avec le son du clavier, l’ensemble crée une belle atmosphère mélancolique, aussi beau qu’un après-midi d’été baigné sous un soleil de plombe, où rien ne trouble le silence lourd à part le chant tardif de quelques cigales avant leur ultime départ.
Cette chaleur lourde continuera de peser sur le voyageur et la route poussiéreuse pour cette étape ultime. Voix toujours clair et éthérée mais traînarde, Leban semble même s’époumoner cette fois-ci, riff gras, batterie mid-tempo, lenteur pachydermique, même la lead guitare se fait lointaine et mélancolique, l’étau de poix et de poussière va se resserrer jusqu’à faire fondre toute la volonté et le mental de qui conque veut avancer encore sur cette route. Ici, on ne s’avance plus, on sombre! Slumber Wood.