Head Of David – Dustbowl

Artiste : Head Of David

Origine : Angleterre

Date de sortie : 1988

Genre : post-punk, rock/metal industriel, traces de crust punk

Note : 9/10

Navigant dans des eaux anarcho-crust punk noisy particulièrement âpres mais fascinantes en même temps, le premier album de Head Of David, sobrement baptisé LP, a secoué quelques têtes dans la scène punk hardcore anglaise après sa sortie fin 1986. En pleine période de transition crust-grind, incarnée par une augmentation significative de la brutalité musicale chez Napalm Death, Carcass ou Extreme Noise Terror, le groupe se démarquait quelque peu en gardant des touches post-punk plus nettes, particulièrement audibles sur le chant « new wave » de Stephen Burroughs mais pas seulement.

Milieu 1987, Head Of David entamait l’enregistrement de son segond album longue-durée, mais cette fois avec un renfort de poids. Le batteur Paul Sharp a en effet quitté le groupe entre temps et a été remplacé par le guitariste Justin Broadrick en personne, quelques mois seulement après son départ de Napalm Death puis de Fall Of Because (futur Godflesh). C’est donc dans le rôle inédit de batteur que le natif de Birmingham poursuit sa jeune carrière, aux côtés de Stephen Burroughs (chant), Eric Jurenovski (guitare) et David Cochrane (basse). La bande achève l’enregistrement de l’album en mai, mais il faudra attendre le début de l’année 1988 pour le voir débarquer dans les bacs, sous le nom de Dustbowl. À noter que ce disque a été produit par Steve Albini, peu connu à l’époque même si son CV incluait déjà les Pixies ou Urge Overkill , mais qui allait devenir l’un des producteurs majeurs de la décennie suivante.

Head Of David frappe fort d’entrée avec un Tequila très ritmé et super accrocheur, nettement moins crusty que ce qu’on trouvait sur LP et se rapprochant plus du post-punk indus de Killing Joke, en plus brut, un vrai missile. Et dans ce registre, le groupe régale tout au long de l’album, en témoigne le fracassant Bugged avec sa redoutable ligne de basse ou Skin Drill qui n’aurait pas fait tache dans Mind Is A Terrible Thing To Taste de Ministry. Et que dire de l’extraordinaire Dogday Sunrise, sans aucun doute l’un des meilleurs morceau de l’album! Parfait équilibre entre mélodie et agressivité, ce titre annonce assez nettement le metal indus des années 90, tout en sonnant encore très post-punk, un véritable tube en puissance! Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que Fear Factory l’ait repris 7 ans plus tard dans son légendaire Demanufacture.

Head Of David se montre également particulièrement inspiré dans un registre plus mi-tempo et lancinant. Des titres comme Culf Of Coats, Pierced All Over ou Ink Vine offrent en effet une belle gamme de riffs ipnotiques et de ritmiques plombantes qui s’articulent parfaitement avec le chant très goth/new wave de Burroughs. Le groupe s’offre même quelques incursions plus métalliques sur le lourd et martial Ditchwasher, qui rappelle un peu Zero The Hero de Black Sabbath, ou encore sur le redoutable et très melvinesque Roadkill, qui met déjà un pied dans le sludge metal des années 90. Mais dans ce registre mid-tempo écrasant, le titre qui fait la plus forte impression est sans aucun doute 108! Perle de post-punk métallisant et indus, coincé quelque part entre Theme de Public Image Ltd et Bullet The Blue Sky de U2 mais en plus abrasif, ce titre est tout bonnement irrésistible et pourrait justifier à lui seul l’intérêt de l’album, de quoi regretter que le groupe n’ait pas eu davantage de succès. Adrenicide n’est pas loin de faire aussi bien, là encore l’influence Public Image est très audible dans les riffs dissonants et le ritme martial, et comme souvent le groupe réussit le quasi-exploit de rendre le tout super accrocheur et à la limite du tubesque. Signalons enfin que le groupe ne tourne pas complètement le dos aux éléments anarcho-crust punk qui occupaient une plus grande place sur l’album précédent, comme le montrent les très amebixiens El Supremo, Snake Domain ou Grand Rift Faultline, le chant s’y fait plus hargneux et hardcore sans pour autant délaisser la mélodie.

Batissant parfaitement sur les ébauches post-punk indus de LP tout en améliorant significativement sa qualité d’écriture, Head Of David signe l’un des plus gros coups de maitre de la scène post-punk « extrême » de la fin 80 avec un Dustbowl en tous points excellents. À l’instar de ses prédécesseurs Killing Joke ou Public Image Ltd, le groupe réussit à se montrer accrocheur et efficace dans un registre pourtant particulièrement abrasif de prime abord, faisant de chaque titre de l’album un missile ultra mémorable!

Bien que resté globalement sous-terrain, Dustbowl aura un impact énorme sur le metal industriel des années 90, sa diffusion (notamment outre-Atlantique) ayant été aidé par un passage remarqué du groupe chez John Peel durant l’été 1987. Pour autant, Justin Broadrick peinera à pleinement satisfaire ses envies d’exploration au sein de Head Of David, et après avoir déjà quitté Napalm Death pour des raisons similaires, il quitte le groupe dès 1988 pour retrouver G.C. Green et Paul Neville chez Fall Of Because, qui deviendra Godflesh en 1989, et avec qui il écrira une nouvelle grosse page de l’histoire du metal industriel avec l’album Streetcleaner. Le bassiste David Cochrane quittera également le navire en 1989 pour rejoindre un autre groupe indus appelé à réaliser de grandes choses, God (où Justin Broadrick jouera également une poignée d’année plus tard). Le reste de la troupe reviendra en studio en 1990 pour l’enregistrement d’un ultime album, le tout aussi excellent Seed State, qui prendra une direction post-punk plus dansante mais n’aura malheureusement pas le succès escompté et précipitera la fin du groupe malgré sa qualité.