Artiste : Allsiah
Origine : Hallowed Halls, Consecrated Stone
Genre : Drone Rock, Ambient Rock, Devotional
Date de sortie : 13 mai 2022
Ceci est la version française. To read the English review, click here
Depuis que j’ai commencé à écrire des chroniques il y a deux-trois ans, je me rends compte que mes inclinations vont de plus en plus vers des artistes ayant des démarches directes et instinctives, bien plus que ceux ayant des approches très “intellectuelles”. Non pas que j’aie une dent contre les trucs intellos et/ou très techniques, loin de là. Mais que le rendu musical soit simple et immédiat ou technique et alambiqué, j’ai besoin de le ressentir dans les tripes. J’ai besoin de ressentir une intention qui va droit au but.
C’est pour cela que j’adore Allsiah. Ma première rencontre avec cet artiste solo britannique s’est faite au crépuscule d’un jour d’automne, avec mon petit dernier dans les bras qui s’endormait au gré des volutes de Sisters in Arms, Brothers in Christ, EP composé d’une unique et superbe pièce de 40 minutes de Drone improvisé. Depuis lors c’est devenu un rituel de dodo régulier ; vous imaginez aisément le lien émotionnel que j’ai développé avec le travail de l’artiste.
Alors quand j’ai mis la main sur son tout premier album Hallowed Halls, Consecrated Stone j’étais super excité, mais aussi un peu inquiet que ce nouvel opus ne vienne “gâcher” ce moment parfait qu’est Sisters in Arms, Brothers in Christ à mes yeux. Après tout, il s’agit d’un gars tout seul avec une ou deux guitares, probablement une débauche de pédales tout à fait indécente et une inclination certaine pour le bidouillage d’amplis… Qu’est-ce qu’une nouvelle heure d’impros de Drone pourrait bien apporter de plus à l’expérience émotionnelle, sinon l’étirer et l’étioler ?
La réponse est simple : c’est très loin de n’être qu’une heure supplémentaire de Drones improvisés.
Hallowed Halls, Consecrated Stone est un récit structuré de Drone Rock, de ballades à distorsion en crescendo de riffs. Des guitares qui racontent une histoire spirituelle et émotionnelle. N’ayant aucune section rythmique, la narration musicale est beaucoup plus libre, les progressions sont fluides et emmènent naturellement l’auditeur d’une ambiance à l’autre, d’une humeur à l’autre.
Si l’on se permet de comparer aux deux astres de référence pour tout ce qui est labellisé “Drone”, Allsiah va chercher la puissance et les drones saturés dans l’obédience de Sunn O))), mais est clairement plus structuré, délivre des riffs plutôt que des paysages sonores. Il y a bien le feeling d’échos désertiques, presque animiste du Earth d’après Hex, tout en n’étant pas chevillé à une épine dorsale de batterie sur laquelle broder des variations. Ici, les compositions sont des progressions vers l’avant, amenées en couches successives de riffs ouverts et chaleureux.
Et ça marche. On se laisse entrainer par la mélancolie de Hard Fought Stone aux saveurs du Dead Man de Neil Young, par la puissance conquérante de Exclamations of Eudaimonic Joy, par les airs de révolte qui couvent derrière Tear Down The House of Royal Purple, tant de moments de douceur, de joie, de tristesse ou d’espoir culminant en ascensions sonores, à s’abandonner dans une synesthésie de sons et d’émotions. Droit au tripes, et droit au but.
Si vous choisissez d’aller à la rencontre de Allsiah, peu importe l’endroit et le moment ; le voyage sera beau dans tous les cas.