Artiste : Arcturus
Origine : Norvège
Date de sortie : 1997
Genre : (black) metal avant-gardiste
Note : 9,5/10
Officiant au départ dans un registre plutôt doom/death, Arcturus est devenu en peu de temps un repaire des plus grands talents de la scène black metal d’Oslo. Autour du noyau dur du groupe composé du claviériste Steinar Sverd Johnsen et du batteur Jan Axel Blomberg (officiant également chez Mayhem) sont venus s’adjoindre le vocaliste Kristoffer Rygg (Ulver), le bassiste Hugh Mingay (Ved Buens Ende et Ulver) et le guitariste Carl August Tidemann. Et si empiler les talents ne garantit pas toujours une musique de qualité, cette équipe de rêve n’a pas déçu en offrant au black metal option sinfonique l’un de ses plus brillants chédeuvres, le bien nommé Aspera Hiems Symfonia, en 1996. Après avoir exploré une grande variété de sonorités au sein de leurs groupes respectifs (en particulier chez Ulver et Ved Buens Ende), les membres d’Arcturus se réunissent à nouveau en décembre 1996 pour l’enregistrement d’un segond album, avec une équipe sensiblement élargie. En plus du guitariste Knut Magne Valle, recruté en lieu et place de Carl August Tidemann qui participe malgré tout aus sessions en tant qu’invité, c’est tout un orchestre de cors et de cordes qui vient épauler le groupe, un choix ambitieus et prometteur. Autre invité, et non des moindres, le vocaliste Simen Hestnæs, alias ICS Vortex, à l’époque totalement inconnu mais qui fera carrière au sein de Borknagar et Dimmu Borgir peu de temps après. L’album parait finalement en octobre 1997 sous le nom téatral de La Masquerade Infernale, et à voir le changement de logo opéré par le groupe, on peut s’attendre à une évolution stilistique conséquente!
Le premier titre Master Of Disguise donne le ton, l’ambiance n’a pas radicalement changé et on retrouve cette froideur hivernale tragique qui caractérisait Aspera Hiems Symfonia, mais la musique a été purgée de ses éléments les plus black metal, à commencer par le chant saturé, remplacé par un chant grave et presque opératique. Les claviers occupent également une place nettement plus importante et l’atmosfère se fait plus téatrale, plus surréaliste. Quoiqu’il en soit, ce titre est purement génial, les mélodies sont aussi troublantes que somptueuses, le duel vocal Kristoffer Rygg-Simen Hestnæs est lumineus, un départ parfait. Encore moins metal et encore plus sinfonique, Ad Astra régale par sa beauté renversante et son ambiance poignante distillée aussi bien par la guitare que les claviers et les orchestrations, sans aucun doute l’une des plus beaus morceaus jamais écrits par le groupe! Et que dire de The Chaos Path, cette fois chanté exclusivement par Simen Hestnæs? Sorte de mid-tempo lourd mais très valsant, ce titre alterne entre couplets délirants et refrain mélodique frissonnant de grâce, le tout sublimé par le chant magistral de Hestnæs, un véritable coup de génie comme peu de groupes en sont capables!
Si ces trois premiers titres placent la barre très haut, l’album ne faiblit pas un seul instant et sa segonde moitié se révèle être à la hauteur de la première. L’extraordinaire The Throne Of Tragedy alterne en effet brillamment entre mélodies folk épiques et descentes dans les tréfonds mélancoliques les plus déchirants, et que ce soit le chant de Rygg, les claviers ou les incursions quasi psichédéliques du guitariste Valle, tout est splendide! Painting My Horror de son côté baigne dans une ambiance plus oppressante et lugubre, bien que gardant aussi une part de beauté épique, et offre un nouveau duel vocal Rygg-Hestnæs de haut vol sur fond de valse démoniaque. Probablement le titre le plus proche de ce que le groupe fesait sur Aspera Hiems Symfonia, Alone contient les seuls blasts de tout l’album et renoue également avec des mélodies épiques moins dérangées, seul le chant éraillé de Rygg manque au tableau. Ce retour aus sources est des plus réussis et fait rejaillir les émotions suscitées par les meilleurs titres du disque précédent tels Wintry Grey ou Fall Of Man, un pur moment de plaisir! Le disque s’achève sur une nouvelle merveille, Of Nails And Sinners, de quoi se délecter une dernière fois de cette avalanche d’ambiances tragiques et de claviers enivrants, avec en prime plusieurs parties de guitare magistrales de Tidemann l’ancien de la maison désormais simple invité.
Si la différence avec Aspera Hiems Symfonia est très nette, La Masquerade Infernale sonne donc plus comme une évolution naturelle des éléments les plus sinfoniques de son prédécesseur que comme une rupture radicale, même si la quasi disparition des aspects plus extrêmes et l’ambiance souvent déroutante ont de quoi surprendre de prime abord. Mais c’est justement ces chois artistiques audacieus qui font de cet album un véritable chédeuvre, Arcturus se montre plus créatif que jamais et offre un disque brillantissime, un véritable ovni qui s’impose vite comme l’un des faits d’arme les plus marquants de cette génération norvégienne!
Si par la suite le projet Arcturus sera mis entre parentèses pour une poignée d’années, Kristoffer Rygg, Hugh Mingay et Knut Magne Valle s’inspireront beaucoup des idées avancées par La Masquerade Infernale pour composer le légendaire album The Marriage Of Heaven And Hell d’Ulver en 1999, un disque ambitieus qui montrera un peu plus l’étendue du talent de cette scène avant-gardiste d’Oslo. Les sonorités électroniques et ambiantes introduites sur The Marriage Of Heaven And Hell serviront ensuite à leur tour de base pour le grand retour d’Arcturus en 2002 avec le magistral The Sham Mirrors, dans un registre encore moins black metal que La Masquerade Infernale mais tout aussi brillant!