Artiste : Bathory
Origine : Suède
Date de sortie : 1984
Genre : heavy/speed/pré-black metal, punk hardcore
Note : 8/10
Tout a commencé dans un quartier de Stockholm en 1983 où un jeune guitariste nommé Thomas Forsberg forme ce qui allait devenir Bathory en compagnie du bassiste Frederick Melander et du batteur Jonas Åkerlund. À l’époque, le nom du groupe est instable, d’abord batisé Nosferatu, puis Mephisto, Countess Bathory puis finalement Bathory, un nom probablement inspiré du morceau Countess Bathory de Venom bien que ceci ait toujours été nié par Forsberg. Ce dernier se fait par ailleurs appeler « Ace Shoot » à cette époque, une référence à la fois à Ace Frehley de Kiss et au morceau Sharpshooter de Motörhead, deus groupes qui auront un impact monumental sur lui. Le gaillard n’est cependant pas seulement friand du hard rock et du heavy metal de la décennie précédente, il est également un grand consommateur de punk hardcore, à une époque où le genre connait un essor de popularité considérable en Suède. Bien aidé par son père qui dirige un label local, Forsberg et ses acolites de l’époque enregistrent leurs premières démos à partir de la fin 1983. C’est durant cette période que le meneur de la troupe abandonne son juvénile pseudonime Ace Shoot pour adopter celui qui ne le quittera plus jamais, « Quorthon ».
Inclus par accident sur la compilation Scandinavian Metal Attack début 1984 après le forfait d’un des groupes initialement prévus, Bathory a connu un succès aussi inattendu qu’impressionant dans le petit monde de la musique extrême suédoise. Le stile pratiqué sur les deus titres enregistrés pour l’occasion, à mi-chemin entre le speed metal de Judas Priest ou Accept et la furie punk/d-beat de Motörhead ou GBH, a en effet séduit aussi bien les fans de heavy metal que les punks, tout en ayant déjà une patte identifiable. Plus tard dans l’année, Quorthon et ses nouveaus camardes, le bassiste Rickard Bergman et le batteur Stefan Larsson tous deus recrutés dans des groupes punks locaus, sont réunis dans les Heavenshore Studios de Stockholm (dont la légende était encore à écrire) pour l’enregistrement d’un premier album. Celui-ci sortira en octobre 1984, sans nom, et orné d’une gigantesque tête cornue façon Witchfynde, une imagerie résolument occulte qui place d’emblée le groupe dans la lignée des Angel Witch, Venom, Slayer et autres Hellhammer.
Après une introduction lugubre, Bathory ouvre les hostilités avec un joli duo de titres fulgurants, Hades et Reaper. Musicalement, on est très proche de ce que le groupe proposait déjà sur la compilation, un speed/punk furieus aus riffs tranchants et au tempo très d-beat, mais le stile vocal très éraillé de Quorthon ainsi que le son grésillant rendent l’ensemble plus extrême, plus froid, plus… black metal, le mot est laché! Cette impression est amplifiée par Necromancy, un morceau certes plus lent mais aussi plus glacial, mené par un des riffs les plus marquants de l’album, pas de doute on fonce tout droit vers ce que les voisins Norvégiens feront quelques années plus tard.
Le reste de l’album oscille globalement entre les deus tendances décrites précédemment. Au rayon des titres speed furibards et encore teintés d’une verve rock ‘n’ roll malgré l’approche plus extrême, citons le virvoltant War et son riff venomesque dévastateur, et surtout l’imnesque Sacrifice, déjà présent sur la compilation mais accéléré et plus crade sur cet album, ce qui atténue quelque peu son côté Ace Of Spades, flagrant sur la première version. Côté titres plus lents, Raise The Dead fait forte impression avec son riff martial, très Angel Witch dans l’ame mais beaucoup plus froid, sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux du disque. Évidemment, la formule manquant encore de subtilités, on peut reprocher à l’album sa linéarité globale, mais les titres sont si originaus pour l’époque, si sincères et si efficaces qu’on pardonne volontiers leurs défauts.
C’est donc un premier album plein de promesses et pétri de titres de qualité que Bathory offre en cette année 1984. Si les influences heavy metal et punk du passé ne sont pas encore pleinement appropriées, il se dégage de la musique du groupe une aura glaciale et lugubre qui annonce un avenir plus sombre encore. Et il ne faudra en effet pas attendre longtemps pour que Bathory prenne son envol artistique puisque dès son segond disque The Return, sorti en 1985, seront posées l’essentiel des bases du black metal tel qu’on le connaitra dans les années 90, un disque inestimable dont l’impact est encore mesurable aujourdui! Mais même avant d’avoir complètement exploité son potentiel, Bathory s’impose dès la fin 1984 comme l’un des fers de lance du metal extrême européen, et son premier album, bien qu’imparfait, aura un impact significatif sur ses contemporains, en premier lieu de l’autre côté de la Mer du Nord chez les Allemands de Sodom, Kreator ou Destruction qui démarreront leurs carrières respectives sur des sonorités speed/punk/pré-black assez proches de Bathory avant d’évoluer vers une formule plus thrash.
Et puisqu’il faut bien aborder la question, oui ce premier album a probablement été influencé par Venom et la NWOBHM en général bien que Quorthon ne mentionne que Black Sabbath, Motörhead, Kiss, Discharge et GBH et prétende n’avoir connu la NWOBHM et Venom en particulier qu’en 1985. Non pas qu’il soit impossible de jouer une telle musique en ne prenant comme base que les groupes que Quorthon cite (ces derniers ayant d’ailleurs pour la plupart également influencé Venom), mais la ressemblance en terme d’imagerie et de chois de titres (Raise The Dead, Sacrifice, ou tout simplement le nom du groupe) ainsi que les propos de l’ancien batteur du groupe Jonas Åkerlund (selon lequel l’ensemble des membres appréciaient Venom dès 1984) mettent en doute la version de Quorthon. Ce dernier reconnaitra tout de même l’influence de Saxon sur ses albums ultérieurs, en particulier Under The Sign Of The Black Mark, mais jamais Venom ni d’ailleurs Angel Witch, Tank ou Raven, et ni Slayer auquel Bathory était également comparé à l’époque. Si cette mauvaise foi caractérisée peut agacer, elle fait indéniablement partie du personage de Quorthon et a aussi contribué à en faire une figure si emblématique.