Cross Road Blues

Cross Road Blues

En cette nuit pascale, causons diable!

Je souhaite vous parler de Cross Road Blues de Robert Johnson, cette chanson, devenue une chanson maudite, au même titre que Gloomy Sunday dont je vous ai déjà parlé ici, à cause des hasards (forcés par l’imagination des narrateurs, ou pas!) désastreux qui tournent autour d’elle.
Reprenons donc depuis le début, Robert Johnson, chanteur de delta blues, sort Cross Road Blues en 1937 chez Vocalion Records. Il raconte, à travers la chanson, un instant de vie, où il était entrain de faire de l’auto-stop à un carrefour lors de la tombée de la nuit. Cette scène décrite dans la chanson est très vite associée aux croyances africaines à propos de Papa Legba, ce qui n’est pas étonnant puisqu’il y a déjà un nuage mystique lié à cette légende qui entoure le guitariste pour expliquer ses progrès fulgurants à la guitare.Nous ne savons pas vraiment si les rumeurs à propos de cette légende sont un amalgame (à cause des patronymes) avec ce que raconte Tommy Johnson, un autre bluesman, qui prétendait effectivement avoir vendu son âme au diable, un soir, à un carrefour, pour obtenir sa virtuosité à la guitare. Ou alors Robert a juste repris cette histoire pour lui.

Papa Legba, photo par Matt Barnes
Papa Legba est le démon gardien de la porte entre l’au-delà et la vie dans la mythologie vaudou.

Quoi qu’il en soit, Robert décédera dans de mystérieuses circonstances en 1938, 1 an après l’énorme succès de Cross Road Blues, 2 ans après son accession dans l’industrie de la musique. Il suffit de cela pour chauffer l’imagination. Voilà que le diable vient réclamer son âme, à 27 ans! Cet âge fatidique qui est lié, lui aussi, aux nombreux décès de musiciens! Les coïncidences, les signes, les hasards sont trop nombreux et trop beaux pour rater les spéculations mystiques et méphitiques!
Les coïncidences ne vont pas s’arrêter là, elles vont aussi affecter la plupart de ceux qui reprennent ce morceau. Il faut noter que Robert Johnson est une grande influence pour pléthore de musiciens du rock et du blues. Jimi HendrixJimmy PageBob DylanKeith Richards ou encore Eric Clapton le citent parmi leurs influences. Il est donc naturel qu’ils aient penser à reprendre ce morceau mythique, d’un bluesman tout aussi mythique.Eric Clapton va donc faire un cover de ce morceau avec son groupe Cream et perdra son fils de deux ans, tombé d’une fenêtre. Ensuite, le groupe Lynyrd Skynyrd reprenant ce morceau et seront pris dans un crash d’avion en 1977 qui coûtera la vie de 3 membres du groupe et celle de leur tour manager. Le groupe Allman Brothers qui ont repris le morceau et le joue beaucoup en live pendant leur carrière subit le même sort, Duane Allman, guitariste, décède dans un accident de moto en 1971 et un peu plus d’un an plus tard, un autre membre du groupe, Barry Oakley, basiste, va décéder aussi dans un accident de moto pas loin de l’endroit où Duane Allman est décédé.Bref, ça ne sens pas bon pour quiconque reprenant ce mythique morceau d’un mythique bluesman qui, peut-être, a vendu son âme au diable. Et si cette chanson était une chanson du diable?Avant de vous laisser avec les merveilleuses reprises. Oui, merveilleuse parce que ce morceau a souvent été repris par de virtuoses guitaristes.

Revenons un peu dans la vrai vie et causons sérieusement.
Bien que l’idée d’un Robert Johnson vendant son âme au diable soit fascinante, la chanson décrit concrètement la réalité vécue par les Afro-Américains du Sud profond au début du xxe siècle. L’historien Leon Litwack suggère que la chanson raconte la peur ressentie par les Noirs à l’idée de se faire surprendre seuls dehors après la tombée de la nuit. Jusqu’aux années 1960 dans certaines régions du Sud, l’expression familière « nigger, don’t let the sun go down on you here » était, d’après Litwack, « understood and vigorously enforced ». À une époque où les lynchages étaient monnaie courante, Johnson était sûrement en train de chanter le désespoir de ne pas trouver rapidement sa route dans un endroit peu familier « the sun goin’ down, boy/ dark gon’ catch me here. ». Cette interprétation est également cohérente avec le couplet de fin « You can run, tell my friend-boy Willie Brown that I’m standing at the crossroads » où Johnson appelle à l’aide un ami musicien réel.

Et pour finir, un peu de parenthèse cinématographique, une version romancée de cette légende est à la base du film Crossroads (1986). Elle est également à la base d’un épisode de la série télévisée Supernatural introduisant le Crossroads Demon qui apparaît ensuite dans d’autres épisodes. Dans le film O’Brother (2000), la légende est évoquée lorsque Everett, Pete et Delmar prennent en stop un guitariste nommé Tommy Johnson à un carrefour du Mississippi ; quand il lui est demandé ce qu’il fait à un carrefour au milieu de nulle part, Tommy répond qu’il vient de vendre son âme au Diable en échange de la capacité à jouer de la guitare.

Cross Road blues, scène de Supernatural

Commençons la monomaniaquerie donc avec Cream et Eric Clapton avec cette version qui sera souvent repris par la suite. ils ont mélangé le blues de Johnson avec les éléments psychédéliques propre à l’époque et leur côté hard rock un peu jazzy. Un régal! 

Ici, une version un peu plus léger des Allman Brothers, non moins virtuose, non moins groovy.

Version live de Lynyrd Skynyrd (le nom de groupe imprononçable ha ha ha 😀 ), version qui hume bon leur origine rock sudiste.

Enchaînons donc avec cette version live des Doors, qui démarre avec un joli harmonica, ils renouent avec les sonorités magnifiquement blues.

La jolie version des Steve Miller Band se défend bien aussi.

Les Molly Hatchet aussi, l’ont naturellement repris. Régalez-vous de cette version magnifiquement metallu. 

Puisqu’on est dans du metol, parlons, canadien, parlons Rush!

https://www.youtube.com/watch?v=hh5vxPHvj1I&list=RDhh5vxPHvj1I&start_radio=1&t=0

Et qui dit Rush, Canada, dit français. Et en France, notre Francis national a repris avec brio ce magnifique morceau en compagnie de Paul Personne.

Avant de finir, jetons un petit coup d’œil du côté de Cindy Lauper qui a repris aussi ce morceau avec le guitariste Johnny Lang. Un pur moment de bonheur.

Et pour finir, je vais souligner le fait que ce morceau fut inscrite au Grammy Hall of Fame Award en 1998 en raison de son importance historique. Comme je n’ai rien trouvé concernant cette cérémonie, je vous invite à découvrir ce morceau, magnifiquement interprété par Rush, Public Enemy, Heart et d’autres musiciens comme Dave Grohl, Darryl DMC McDaniels, John Fogerty, Tom Morello, Gary Clark Jr. et Chris Cornell.
Allstars game!