Artiste : FORHIST (Blut Aus Nord)
Origine : France
Date de sortie : Février 2021
Genre : Black Metal AOP
2021, année Black Metal.
En trois décennies, cette frange improbable de la musique Rock qui déploie tous les extrêmes a énormément évolué, peut-être bien plus que d’autres castes, pour devenir l’hydre multicéphale qu’elle est aujourd’hui.
L’auteur de ces lignes a indéniablement un biais que vous voudrez bien lui excuser, mais c’est probablement dans le Black Metal que l’on trouve la plus grande variété artistique et musicale et la plus large scène, répartie sur cinq continents et à travers chaque nanomètre du spectre politique.
Après avoir été underground, puis culte, après avoir installé des percées indéniables dans le mainstream du Metal, après avoir défrayé la chronique et effrayé la ménagère pour une bien éphémère période d’hubris, le Black fait aujourd’hui partie intégrante du paysage culturel, comme l’un de ces objets étranges dont le grand public ne retient qu’un ou deux vagues clichés.
Et pourtant, il reste un univers aux mécaniques fondamentalement underground où le Do-It-Yourself garde une place centrale, fidèle à ses racines punk. Un univers où des foules de personnes d’horizons et de sensibilités diverses ont trouvé – n’en déplaise aux gatekeepers – un mode d’expression musical que l’on peut se réapproprier à l’infini.
Quand on pense que cette alchimie bouillonnante ne dérive que d’une poignée de composants élémentaires… Qui peut se targuer de comprendre cet insondable mystère de création ? Qui es-tu, Black Metal ? Que reste-t-il de nos amours ?
Il existe un homme qui a peut-être des éléments de réponse : Vindsval. Et c’est ce qu’il nous livre à travers sa toute dernière incarnation en date, FORHIST.
Pour les moldus, Vindsval est la tête pensante de Blut Aus Nord, l’un des joyaux de la couronne du Black Metal français. Depuis près d’une trentaine d’années, Blut Aus Nord sévissent dans la scène Black Metal avec une solide réputation de groupe mystérieux (tous les membres sont anonymes, jamais de concert), expérimental, intellectuel et aux ambiances allant des nébuleuses instables aux bas-fonds industriels crasseux.
Mais avec FORHIST, le maestro cherche la simplicité, le retour aux sources. Il livre donc un épitôme qui parlera autant aux bons Apôtres qui sauront apprécier la finesse d’un grand cru sans artifices, qu’aux profanes qui pourront y trouver une porte d’entrée canonique bien moins repoussante qu’un Blaze in the Northern Sky.
Car si la production est propre et bien peignée, si le son des guitares est ample et bien calibré, si les rythmiques sont plus souvent en mid tempo qu’en blast, l’écoute de cet album ne fait aucun doute : c’est du Black Metal 90’s pur jus.
En huit titres, Vindsval écoule une rivière de riffs de guitare en autant de trémolos mineurs et dissonants, des rythmiques tantôt en blast beat, tantôt en groove, du synthé savamment dosé entre le kitsch et la grandiloquence à l’image des premiers Dimmu et Emperor, et une ambiance froide et solitaire. En bref, la réunion des éléments constitutifs primaires du Black Metal. Les compositions sont assez simples et coulent de source, mais les arrangements conservent en bonne partie la « patte » de Blut Aus Nord : une voix criée mais assez lointaine dans le mix et des paroles incompréhensibles, et ce son de guitares ambivalent, plaintif et dissonant mais qui renferme quelque chose de très lumineux.
FORHIST, ça veut dire « forêt de pinèdes ». Le genre d’endroits qui peut évoquer une ambiance froide et mystérieuse, mais pas forcément totalement glaciale. L’album est un hommage explicitement assumé aux « fondateurs » norvégiens, mais qui se garde de tomber dans le worship facile par de touts petits détails signifiants, comme l’utilisation de bruits d’animaux nocturnes dénotant une oeuvre pleine de vie et non centrée sur la mort. Ou encore l’utilisation du bruit de la pluie qui tombe sur les cimes des pins. La production est à l’image des riffs : forestier, froid, mystérieux, certes. Mais pas glacial.
FORHIST, c’est aussi le titre d’une chanson de Memoria Vetusta III : Saturnian Poetry, dernier volet en date (2014) d’une saga d’albums de Blut Aus Nord donnant dans le Black Metal mélodique, épique et lumineux, en opposition totale au Black Industriel malsain et Broadrickien de leurs albums les plus connus. Et connaissant le bonhomme, ce choix taxonomique n’est certainement pas le fruit du hasard. Se réfugier dans la nostalgie sans aucune idée derrière la tête ne lui ressemble pas ; l’album que nous avons entre les mains est probablement une remise en selle pour un prochain volet de la saga Memoria Vetusta.
Au final, pour qui est cet album ? À vous les néophytes ou à celles et ceux qui ne mangent pas de ce pain-là, je ne saurais que vous conseiller de foncer : c’est facile à écouter, c’est plein de riffs aux petits oignons et c’est une bonne illustration de tout le potentiel que renferment ces éléments simples : trémolos dissonants, blast, claviers, froideur. Aux puristes, je ne peux que dire : cet album ne révolutionnera rien. Mais redonnez-lui sa chance quelques fois de suite ; c’est un cru artisanal où la simplicité prime pour permettre aux tanins de s’exprimer superbement.
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