Acte I: Blues rock, heartland rock
Album 3 : A Biography
Artiste : John Mellencamp
Origine : Indiana, États-Unis
Après Bruce Springsteen et Tom Petty, c’est au tour de John Mellencamp, connu à l’époque sous le nom de Johnny Cougar, d’être mis à l’honneur, lui qui est unanimement considéré comme l’une des figures les plus emblématiques du heartland rock américain. Mais si ses deux compatriotes Springsteen et Petty ont connu le succès dès la deuxième moitié 70, Mellencamp de son côté a du batailler entre manque de confiance des labels, succès balbutiant et accueils critiques exécrables. Le natif de l’Indiana n’a certes pas démarré sa carrière de la meilleure des manières avec un premier album, Chestnut Street Incident (1976), assez inégal et beaucoup trop chargé de reprises pour vraiment entrevoir la personnalité du bonhomme. Son segond album, The Kid Inside, devait sortir en 1977 mais MCA, peu emballé, a finalement tout annulé et a même rompu le contrat du chanteur. Le public ne découvrira ce disque avorté qu’en 1983, lorsque l’ex-manager de Mellencamp profitera du succès, enfin acquis, de son ancien poulain pour exhumer cette archive, et on découvrira alors que l’album réussissait une incroyable progression par rapport à son prédécesseur et tendait déjà plus nettement vers la classe des disques suivants.
Toujours est-il qu’en 1978, John Mellencamp est marginalisé, et son troisième album, A Biography dont il est question ici, ne sort même pas aux États-Unis dans un premier temps, le petit label Riva ne le distribuant qu’au Royaume-Uni et en Australie pour une sortie en mars 1978. Et pourtant, et pourtant, ce disque est une merveille, un bijou! Dans une période où personne ne croyait en lui, John Mellencamp sort les tripes et signe plusieurs brulots à la fois épiques et hard rockisants dans une veine assez comparable à celle de Darkness On The Edge Of Town de Springsteen. Dans ce registre, Born Reckless, High C Cherie ou le très haletant Let Them Run Your Life retiennent particulièrement l’attention, le Mellencamp faiblard, hésitant ou trop léger de Chestnut Street Incident laisse place à un véritable héros du heartland, sa voix se fait plus viscérale, ses mélodies plus profondes, ses textes plus enragés, une vraie révélation! Et même lorsqu’il revient à un registre plus léger, ses progrès sont tangibles, comme en témoignent le très entrainant Night Slumming ou la sublime balade Taxi Dancer qui deviendra l’un de ses premiers classiques. Sur Alley Of The Angels, on peut même entendre les prémices de l’orientation plus country rock que prendra la musique de Mellencamp au fil des années 80. Mais s’il ne fallait retenir qu’un seul titre d’A Biography, ce serait sans hésiter le prodigieux, l’extraordinaire, le rayonnant, l’ultimissime I Need A Lover! Combinant à merveille le côté épique et héroïque de Bruce Springsteen ou Meat Loaf au côté sucré voire racoleur du hard FM de l’époque, ce bijou est tout bonnement jouissif, que ce soit son incroyable introduction, ses mélodies simples mais redoutables, et son refrain brillantissime qu’on ne peut s’empêcher de reprendre à tue-tête à chacune de ses occurrences. À se demander comment un joyau pareil n’est pas considéré comme l’un des plus gros tubes de la fin 70!
Si le chemin de la reconnaissance est encore long, comme l’indique l’accueil critique calamiteux (et à mon sens injuste) que recevra A Biography, l’année 1978 marque tout de même à plusieurs égards l’envol artistique de John Mellencamp. Du point de vue purement musical d’abord, il s’agit, à mon sens du moins, du premier excellent album du bonhomme qui trouve enfin son identité et améliore significativement la qualité de ses compositions, même si The Kid Inside montrait la voie et aurait sans doute mérité d’être sorti à l’époque. Par ailleurs, le succès massif du single I Need A Lover en Australie permet à Mellencamp de gagner enfin un peu de reconnaissance et surtout de retrouver du crédit aux États-Unis après l’échec de Chestnut Street Incident puis l’annulation de The Kid Inside. Ainsi, contrairement à A Biography, son prochain album, simplement baptisé John Cougar et sorti en 1979, sera distribué aux États-Unis, et incluera même les deux gros tubes de son prédécesseur, I Need A Lover et Taxi Dancer, afin que le public américain ne soit pas privé de ces merveilles plébiscitées par les Australiens un an avant!