Artiste : The Gaslight Anthem
Origine : New Jersey, États-Unis
Date de sortie : 2008
Genre : heartland punk, Jersey Shore, pop punk
Note : 8,5/10
Aussi surprenant que ça puisse paraitre, le milieu 2000 a vu émerger une nouvelle génération de musiciens ayant grandi avec la musique de Bruce Springsteen et désireuse d’intégrer l’influence du boss dans les courants rock alternatif ou punk de leur époque. Parmi les exemples les plus réussis, citons le brillant Neon Bible d’Arcade Fire (2007) qui combinait à merveille mélodies très dylano-springsteeniennes et electro/art rock, ou encore le plus décrié mais pourtant excellent Sam’s Town des Killers (2006), parfaite fusion entre l’épisme rock ‘n’ roll de Born To Run et celui plus post-punk du U2 période 83-87.
C’est donc dans ce contexte assez favorable aux heartlanderies qu’émerge le Gaslight Anthem, composé alors de Brian Fallon au chant et à la guitare ritmique, Alex Rosamilia à la guitare principale, Alex Levine à la basse et Benny Horowitz à la batterie. Originaire du New Jersey, comme le boss, le groupe mêle son ADN résolument punk (puisant chez Social Distortion, The Replacements, The Clash ou les Misfits) à des mélodies et une ambiance héritée des géants du heartland rock, Bruce Springsteen en tête mais également Tom Petty. Le groupe sort son premier album en 2007 sous le nom de Sink Or Swim, et si la formule ne semble pas encore aboutie, plusieurs titres parviennent à séduire et promettent le meilleur pour la suite. Un an plus tard, le Gaslight récidive avec un The ’59 Sound qui, de l’aveu du groupe lui-même, a bénéficié de meilleures conditions d’enregistrement et donc avait tout pour surpasser son prédécesseur.
Great Expectations ouvre admirablement bien le bal sur une note folk/pop punk ritmée et entrainante, la recette est sensiblement la même que sur Sink Or Swim mais ça marche à nouveau à merveille! Les progrès sont cependant tangibles par rapport au disque précédent, et des morceaux comme The ’59 Sound ou Meet Me By The River’s Edge dégagent une puissance et une classe que Sink Or Swim n’avait fait qu’effleurer, notamment grâce à des refrains plus imnesques et efficaces que jamais! À noter au passage que les paroles de Meet Me By The River’s Edge sont truffées de références aux morceaux Bobby Jean et No Surrender de Bruce Springsteen. Plus jazzy et surtout plus mur, Film Noir offre un pont puis un refrain absolument sublimes, le Jersey Shore dans toute sa splendeur, et surtout une preuve que le Gaslight n’est pas qu’une pâle copie de ses prédécesseurs et possède un réel talent pour toucher l’auditeur dans son point sensible. Et que dire de ce bijou magistral qu’est Miles Davis And The Cool, sans aucun doute le meilleur morceau de l’album. Brian Fallon est en état de grâce et impressionne aussi bien dans ses lignes de chant posées que celles plus puissantes, les mélodies sont toutes plus séduisantes les unes que les autres, et ce refrain épique plus springsteenien que jamais donne littéralement des frissons, du grand art!
À côté de ces titres très chargés émotionnellement, on trouve aussi des morceaux pop punk plus légers tels Old White Lincolm, High Lonesome ou The Patient Ferris Wheels, et dans ce registre le groupe se montre également inspiré, une fois de plus la recette est simple mais fonctionne à merveille, et ce notamment grâce à la voix toujours si irrésistible de Brian Fallon. Si le disque ne contient pas de titres purement folk contrairement à Sink Or Swim, Here’s Lookin’ At You, Kid est sans doute ce qui s’en rapproche le plus, un moment épuré et contemplatif très plaisant à écouter bien que comme sur les précédents essais il manque encore une petite étincelle de magie pour atteindre les sommets. Plus surprenant, Even Cowgirls Get The Blues officie dans un blues/hard rock à accents sudistes se connectant plus à Lynyrd Skynyrd qu’au heartland rock ou au punk, un registre dans lequel le groupe se montre à son aise, prouvant ainsi qu’il sait s’éloigner de sa formule habituelle.
Peaufinant la recette heartland punk de Sink Or Swim et ajoutant juste ce qu’il faut de maturité sans trop perdre de cette légèreté juvénile si séduisante, The ’59 Sound s’impose comme une des plus belles surprises de l’année 2008. Et si l’influence de Springsteen demeure nette, le Gaslight Anthem la mêle si adroitement à ses origines punk que le résultat ne sonne à aucun moment comme un bête hommage, le groupe a sa patte et sait pondre des titres marquants avec beaucoup de classe! La qualité de l’album ne laissera d’ailleurs pas le public insensible, et le groupe se verra propulsé en très peu de temps au rang de figures emblématiques du rock contemporain. Brian Fallon aura même l’immense honneur de partager le micro avec Bruce Springsteen lors de son concert à Londres en 2009, l’élève et le maitre réunis pour interpréter No Surrender, un moment magique et surtout un gros coup de pouce pour la popularité du Gaslight!