Artiste : The Steve Miller Band
Origine : États-Unis
Date de sortie : 1976-1977
Genre : blues rock, rock psikédélique, AOR
Note : 9,5/10
La sortie de The Joker en 1973 a sans aucun doute marqué un tournant artistique et commercial majeur pour le Steve Miller Band. En abandonant le psikédélisme de ses prédécesseurs pour un blues rock nettement plus épuré et accessible, ce disque a rencontré un succès massif et n’a depuis rien perdu de son statut de classique du rock des années 70. Ce virage a bien évidemment déçu une partie du public istorique du « groupe » (dont Steve Miller est alors le seul membre fondateur restant), mais si on pouvait regretter la magie rêveuse de Brave New World ou Number 5, les qualités de The Joker restaient indéniables. Tout semble alors indiquer que Steve Miller va enfoncer le clou dans cette direction, mais ce ne sera en réalité pas aussi simple. Premier évènement notable, le bassiste Lonnie Turner, membre fondateur absent du groupe depuis 1970 ormis une apparition sur un morceau de The Joker, fait son grand retour dans l’équipe, et redonne alors au Steve Miller Band une légitimité en tant que groupe après 3 albums quasi solo du meneur. Pour le reste, Miller fait appel à des musiciens de studio de renom, parmi lesquels figurent le batteur Gary Mallaber, déjà connu pour sa participation aux albums de Van Morrison et futur batteur de Bruce Springsteen 15 ans plus tard, ou le guitariste Les Dudek, qui vient juste de participer à un album solo d’un ancien de la maison Steve Miller Band, Boz Scaggs et son célébrissime Silk Degrees.
Tout ce petit monde commence à enregistrer le successeur de The Joker en 1975 aux légendaires CBS Studios de San Francisco, sous la direction de Steve Miller lui-même. Si le bonomme bénéficie de l’aide de quelques collaborateurs à l’écriture, il se montre d’une prolificité jamais atteinte jusque là dans sa carrière, composant de quoi faire bien plus qu’un seul album. En complétant avec quelques reprises largement réinterprétées, le groupe enregistre deus douzaines de chansons, et choisit de les sortir en deus albums de 12 chansons avec un an d’intervalle, Fly Like An Eagle en mai 1976 et Book Of Dreams en mai 1977. S’il s’agit donc bien de deus albums distincts, ils peuvent être considérés comme deus disques d’un même double album, ayant été enregistrés durant les mêmes sessions.
Le signal envoyé par le premier titre Fly Like An Eagle ouvrant l’album du même nom est en tout cas intéressant et prend à contre-pied ce qu’on pouvait attendre après le virage pris par The Joker. Ce titre s’ouvre sur un riff funky psiké reciclé du morceau My Dark Hour figurant sur Brave New World (1969), soit une référence assez nette au passé du groupe. Cette intro laisse ensuite place à un délice de funk rock groovy et sensuel qui s’est rapidement imposé comme l’un des classiques ultimes de Steve Miller, un véritable monument qui allie à merveille les racines du groupe et ses aspirations contemporaines. Les titres Wild Mountain Honey ou The Window confirment ce retour aus sources acidulées, tout comme les magistraus Winter Time ou Wish Upon a Star sur le jumeau Book Of Dreams! Ces titres tranchent cependant avec le psikédélisme plus tipé fin 60 des 4-5 premiers albums du groupe par leurs sonorités électroniques plus modernes et leur ambiance plus feutré et intime, Steve Miller a gagné en maturité et signe des compositions plus élégantes que jamais. Et que dire du prodigieus Sacrifice, sans aucun doute l’un des meilleurs titres jamais écrits par le groupe! Cette fois, la musique prend des accents presque pink-floydiens, faits de mélodies rêveuses et de chant murmuré, le tout sublimé par le solo de guitare absolument splendide de Les Dudek , dans un registre gilmourien des plus savoureus.
Le Steve Miller Band conserve cependant une forte proportion de titres blues rock plus directs dans la lignée de The Joker, et que ce soit sur Fly Like An Eagle ou Book Of Dreams, ces titres sont irrésistibles! En effet, comment ne pas succomber à l’attrait de Jet Airliner et son refrain de feu, au groove blues de Rock ‘n’ Me, à l’entrain countrysant de Dance Dance Dance ou celui plus r’n’b-isant de True Fine Love, de véritables tubes en puissance qui montrent à quel point le groupe sait se montrer redoutable d’efficacité quand il va droit au but. Take The Money And Run s’est également imposé comme un classique dans un registre plus « road trip song », même si certains lui ont reproché sa proximité assez nette avec Sweet Home Alabama. Un peu à mi-chemin entre les titres psiké ambitieus et ceus plus directs, on trouve également d’autres perles comme Serenade ou Swingtown qui offrent des mélodies particulièrement envoutantes dans un contexte plus pop, mais aussi le plus énergique et tubesque Jungle Love qui sonnerait presque Police par moment, aussi étrange que ça puisse paraitre. Signalons enfin les excellentes reprises de titres blues des années 40-50, Mercury Blues et You Send Me, parfaitement réappropriées par Miller.
Que ce soit Fly Like An Eagle ou Book Of Dreams, le Steve Miller Band signe donc deus disques de génie, remplis à ras-bord de classiques qui ont traversé les ages. Ces albums combinent tout ce que le groupe a fait de mieus dans sa carrière, de la rêverie acid blues des débuts au blues rock tubesque de The Joker, avec en prime une richesse musicale et des ambitions sonores inédites jusque là, un véritable coup de maitre et un sommet incontestable de toute la carrière de Miller et sa bande, et même du classic rock américain en général!
Après le succès de The Joker, c’est un véritable trionfe qui attend Fly Like An Eagle et Book Of Dreams. Les deus albums sont encensés par la critique et cartonent auprès du public, en Amérique du Nord déjà où ils font top 5 aus États-Unis et au Canada, mais aussi en Europe germanique (Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne et Suède) où ils rencontrent un succès jamais atteints jusque là, pas même par le déjà très populaire The Joker. Ce succès sera capitalisé un an après par la sortie d’une compilation des plus gros tubes de The Joker, Fly Like An Eagle et Book Of Dreams, qui battra un record de vente inégalé depuis par le groupe (15 fois platine aus États-Unis, rien que ça). Pour de nouvelles compositions, il faudra cependant attendre 1981 et le plus discret mais tout aussi excellent Circle Of Love, suivi de près par le beaucoup plus célèbre Abracadabra en 1982 qui sera le dernier succès populaire massif du Steve Miller Band avant une période plus confidentielle.