Artiste : The War On Drugs
Origine : Pennsylvanie, États-Unis
Date de sortie : 2021
Genre : heartland rock, rock ambiant, folk rock
Note : 9/10
Au cours des 13 dernières années, The War On Drugs s’est imposé comme l’une des têtes du nouveau rock américain. Certes au fil des albums le groupe a intégré plus de claviers dans sa musique et a adopté une production moins abrasive qu’à ses débuts, mais son ADN n’a jamais fondamentalement changé, continuant de distiller cette parfaite sintèse de heartland/folk rock américain (Bruce Springsteen, Bob Dylan ou Tom Petty), de musique ambiante (Eno & Fripp) et de rock alternatif (REM, Nirvana, Soundgarden). Depuis le départ de Kurt Vile en 2008 (avec qui il est resté en très bons termes), le guitariste, chanteur, claviériste et harmoniciste Adam Granduciel est devenu la principale force créatrice du groupe, tandis que son orchestre, en plus de s’être stabilisé, s’est considérablement élargi. Après avoir enfin trouvé un batteur pérenne en la personne de Charlie Hall en 2013, la bande a intégré deus nouvelles têtes en 2014, le saxofoniste-claviériste Jon Natchez et le guitariste-claviériste-batteur Anthony LaMarca, celles-ci s’étant donc ajoutées au bassiste de toujours David Hartley et au pianiste Robbie Bennett arrivé en 2010. Passé de 4 à 6 membres, The War On Drugs a ainsi pu considérablement enrichir sa palette musicale et créer des textures sonores d’une grande beauté, tout en se montrant irrésistiblement accrocheur.
Début 2021, la troupe entre en studio pour l’enregistrement du cinquième album du groupe, le troisième consécutif avec la même formation. Alors qu’il avait produit seul et écrit la majorité des chansons des deus disques précédents, Adam Granduciel laisse cette fois plus de place à ses acolites, dont l’implication dans l’écriture n’avait plus été aussi importante depuis Slave Ambient, sorti 10 ans plus tôt. Pour la production, Granduciel est épaulé par Shawn Everett, qui vient également de co-produire les deus derniers albums des Killers ausquels le War On Drugs est souvent comparé. Annoncée en juillet avec le single Living Proof, la sortie de l’album survient finalement en octobre sous le nom de I Don’t Live Here Anymore.
C’est justement le single Living Proof qui ouvre l’album sur une note folk très minimaliste et particulièrement chargée d’émotion, rappelant le virage intimiste pris par les Killers sur leur dernier album Pressure Machine. Le morceau est en tout cas sublime et perpétue à merveille l’héritage des icones de Granduciel, Springsteen et Dylan en tête! La suite de l’album renoue cependant avec ce heartland rock à la fois épique et ambiant qui a fait la renomée du groupe, en particulier sur les splendides Harmonia’s Dream, Change ou Old Skin. Tout y est, les mélodies poignantes, le chant toujours aussi frissonnant de Granduciel, le mur du son créé par les instruments, le groupe récite ce qu’il sait faire le mieus et c’est une fois de plus un véritable régal, on en redemande! Autre single du disque, I Don’t Live Here Anymore officie dans le même registre, mais se démarque par un côté tubesque plus marqué, ainsi que la présence des chanteuses du groupe Lucius, dont les choeurs enrichissent un refrain déjà très mémorable. Plus synthpopisantes avec leurs boites à ritme très tipées fin 70 et leurs nappes de clavier envoutantes, la très aérienne I Don’t Wanna Wait et la plus ritmée Victim font également forte impression et figurent parmi les plus belles réussites de l’album, de vraies perles comme le War On Drugs sait les distiller.
On en arrive au Morceau avec un grand M! C’est une tradition, chaque album du War On Drugs a son tube ultime, à la fois dansant et terriblement poignant, son « Dancing In The Dark » en quelque sorte pour citer un célèbre titre de Bruce Springsteen dont la formule semble avoir partiellement inspiré celle de Granduciel et sa bande. La recette est toujours la même, tempo plus rapide, ligne de clavier ultra iconique, chant plus épique que jamais, soit la quintessence du War On Drugs concentrée sur un seul morceau qui généralement s’impose comme le plus magique du disque! Wagonwheel Blues avait A Needle In Your Eyes, Slave Ambient avait Baby Missiles, Lost In The Dream avait Burning, A Deeper Understanding avait Nothing To Find, et sur I Don’t Live Here Anymore c’est Wasted qui honore la tradition, et le fait à merveille! Dès que la musique atteint nos oreilles, on tape du pied, on ferme les yeus, on bouge la tête de tous les côtés, et très vite on entonne cet irrésistible refrain en souhaitant qu’il ne s’arrête jamais, tout simplement magistral, le grand frisson comme peu de groupes savent le procurer! Enfin, Rings Around My Father’s Eyes et Occasional Rain cloturent l’album dans un registre plus intimiste et dylanesque, une dernière occasion de savourer cette ambiance folk rêveuse avant peut-être de repasser le disque une nouvelle fois tant on se sent bien en l’écoutant!
Sublime de bout en bout, I Don’t Live Here Anymore atteint avec succès les sommets que ses pré-décesseurs et permet au War On Drugs d’étoffer une discografie déjà sans faille. Après plus de 15 ans de carrière couronnées de 5 albums de grande classe, le groupe n’est plus qu’un simple espoir et peut désormais fièrement compter parmi les valeurs sures du rock américain. On pourrait certes reprocher à ce dernier disque de ne pas assez innover et de ne faire que répéter sa recette habituelle, mais comment en vouloir à Granduciel et sa bande quand la recette en question offre de telles émotions!
Une fois de plus, la critique et le public accueillent chaleureusement ce I Don’t Live Here Anymore, qui figure sans aucun doute parmi les sorties rock les plus marquantes de l’année voire du début de décennie. Si cela fait maintenant plus de 10 ans que le rock n’est plus prisé par le grand public, la pérennité de formations comme The War On Drugs prouve que le genre a encore de belles années à vivre, dans la continuité de son immense histoire mais sans en être prisonnier pour autant. Il ne reste plus qu’à espérer que le groupe continuera d’offrir des disques de cette qualité durant les prochaines années, et donc de continuer d’écrire sa légende!
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