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Malgré de nombreux progrès de la part de groupes, labels, instances et acteurs de la scène, le monde du rock, du metal et assimilés reste largement masculin. Des témoignages de plus en plus nombreux nous révèlent cette vérité que nous ne pouvons plus ignorer : le sexisme est toujours bien présent dans nos scènes en 2022. S’il n’est pas l’apanage du metal, ne prenons pas ceci comme une excuse pour ne pas examiner comment, en tant qu’hommes, nous pouvons éventuellement aider à changer cela.
Je suis un homme hétéro et cisgenre, et je ne prends ceci ni comme un titre infamant ni comme un aveu de soumission, simplement un fait qu’il est pertinent de reconnaître quand je parle féminisme en public ; en la matière, il y a beaucoup de choses que je dois encore apprendre et beaucoup de pièges dans lesquels je peux tomber. Alors je vais simplement essayer de transmettre les deux conseils que j’ai reçu de littéralement toutes les féministes avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, qui sont très simples à comprendre et demandent moins d’effort que ce qu’on s’imagine :
- Ne pas le prendre personnellement. Parce qu’il ne s’agit pas de toi, Billy. On peut se dire, souvent à raison que « Moi je suis un gars bien, je suis une bonne personne, je soutiens les féministes, je traite les femmes avec respect ». Et c’est cool. Mais cela ne nous rend pas intouchable à toute forme d’erreurs ou de critiques. Le monde ne se divise pas en « good guys » et en « bad guys ». La bonne nouvelle c’est que les critiques féministes ne sont pas une affaire personnelle, qui nous jugeraient en tant qu’être humain ; simplement un discours – parfois virulent, à juste titre – qui nous pousse à examiner les conséquences de certains de nos actes et de nos paroles.
- La chose la plus simple et la plus efficace qu’on peut faire pour soutenir le féminisme, c’est fermer sa gueule et écouter. C’est ultra facile, pas besoin d’avoir potaché en avance les 1000 faux-pas diplomatiques à éviter. Dans 99% des cas, juste écouter, c’est déjà beaucoup.
Alors voici une petite sélection d’artistes et de groupes portant des thèmes féministes à différents niveaux, faite humblement par un mec qui ne peut qu’encourager ses congénères qui n’ont pas encore décroché de simplement appliquer ces principes : accepter que nul n’est au-dessus de tout reproche, et écouter. Simplement écouter ce qu’elles ont à dire.
Milena Eva & GGGOLDDD
Post-Punk/Blackened Shoegaze, Pays-Bas
Milena Eva est la frontwoman du superbe groupe GGGOLDDD, l’une des formations nées des cendres des mythiques The Devil’s Blood, fers de lance d’une nouvelle scène metal hollandaise. Mêlant avec brio les sonorités froides et énergiques du post-punk avec la beauté éthérée de la shoegaze et l’intensité riffesque du black metal, leur album de 2019, Why Aren’t You Laughing ? a fait grand bruit et rencontré un succès mérité, et traitait de nombreux thèmes comme la dépression, l’anxiété sociale et en particulier la place des femmes dans les injonctions permanentes à présenter les apparences de la réussite.
Leur nouvel album This Shame Should Not Be Mine aborde des thèmes encore plus personnels car il s’agit de la propre expérience de Milena face à une agression sexuelle, traitant du trauma, de la bataille contre la honte et l’auto-culpabilisation, et la quête de la salvation et de la résilience.
There’s so much in the rearview
Hard to see what’s going on
It hasn’t been this blurry before
Something feels wrongWhere do I go? Who do I follow?
Who bring me joy? Who bring me sorrow?
How do I make sure I don’t go through this again?Glued myself together
So that you can’t see
That I don’t know any boundaries
Impossible to readDo I even know the way?
paroles de Notes on How to Trust (GGGOLDDD, 2022)
I need space so I can make mistakes
Confidence will be my best revenge
So I can start to live again
Mystic Priestess
Death Rock / Darkwave, USA
Une récente découverte et coup de coeur musical pour moi, Mystic Priestess sont un combo de « death rock et darkwave anarchiste » de Oakland, Californie. Leur death rock énergique dans la lignée de Siouxsie, Christian Death ou encore Killing Joke, s’il ne révolutionne pas le genre, a de bonnes chances de faire lever votre booty de votre chaise et de l’envoyer bambocher sur la piste de danse la plus proche.
Si je n’ai pas encore mis la main sur un transcript complet de leurs paroles (si quelqu’un a ça, merci de nous contacter sur Facebook ou Instagram), leur style, leurs photos et les titres des chansons suggèrent clairement qu’elles ont un ou deux trucs à dire sur le féminisme, la transidentité et la masculinité toxique. Ecoutons-donc, voulez-vous.
Larissa Stupar & Venom Prison
Death Metal, UK
Née en Russie, élevée en Allemagne et désormais résidente du Royaume-Uni, Larissa Stupar a un long pedigree de militantisme pour les droits des animaux, le féminisme et l’antifascisme quand elle co-fonde Venom Prison en 2015. Le fait qu’elle choisisse le death metal comme arme n’est pas innocent, sachant la grande tradition de ce sous-genre à représenter la violence graphique et les intentions de violence romancées, souvent à l’égard des femmes.
Plutôt que de ne faire « que » dénoncer les dérives machistes et les banalisations de la violence que le death metal partage souvent avec le pornogrind / goregrind, Venom Prison ont montré avec quatre des plus efficaces albums de death metal / deathcore de ces dernières années que l’on peut aimer le genre, s’approprier sa violence et l’utiliser pour retourner la table. Ce court article de Bandcamp Daily de 2019 montre selon les dires de Larissa elle-même que l’accueil ne fut pas tendre, une preuve que certains considèrent encore que la violence devrait rester asymétrique dans leur genre favori.
Si certains fans seront probablement déçus de leur dernier album clairement plus orienté melodeath ainsi que leur signature chez la grosse usine de Century Media, j’y vois une opportunité intéressante pour que leurs propos trouvent un public un peu plus large et un peu plus mixte dans la « grande famille » du metal. Et cela peut faire de Venom Prison une grosse tête d’affiche bien moins chiante en festival que, chaipas… Arch Enemy par exemple.
Kathleen Hannah & Bikini Kill
Feminist Punk, USA
Kathleen Hannah est une punk. Une vraie, engagée, bruyante, sans compromis, et elle n’a nul besoin d’être présentée. Co-fondatrice de Bikini Kill et du mouvement féministe Riot Grrrl qui a donné un élan et une résonance au féminisme radical et avec une bonne dose d’intersectionnalité et d’idées révolutionnaires à la scène punk de NYC au début des années 1990, elle fondera ensuite le groupe d’électropunk échevelé Le Tigre en 1999, et passera le plus clair de sa carrière à envoyer des punchlines et des mandales à la tronche du machisme. Après une longue interruption dûe à sa maladie de Lyme, elle refonde Bikini Kill en 2019 et remonte sur scène, toujours invaincue.
Les mots du fanzine Riot Grrrl qui sonnent comme un manifeste ont encore beaucoup de pertinence aujourd’hui, près de 31 ans après leur publication :
Accepte que tu n’es pas le centre de l’Univers.
traduit de Riot Grrrl’s zine first issue, 1991. Full document here
Demande-toi comment ta conception de la réussite et de l’échec s’inscrit dans tes relations humaines.
[…]
Ignore sciemment toute loi oppressive.
Ne juge pas les autres, uniquement toi-même.
[…]
Reconnais que la violence émotionnelle est bien réelle.
[…]
Considère la vulnérabilité et l’empathie comme des forces.
Pleure en public.
Ne laisse pas le fait que certaines personnes t’aient mal traité faire de toi quelqu’un d’aigri et d’abusif.
[…]
Si quelqu’un te dit qu’iels souffrent, crois-les.
Nous espérons que cette courte sélection aura éveillé votre intérêt, qu’il soit purement musical ou plus large. Si vous avez la moindre correction, précision ou le moindre ajout à nous suggérer, n’hésitez pas à nous contacter sur Facebook ou Instagram !
Alex, pour Le Riff
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