Artiste : Krallice
Origine : NYC, USA
Date de sortie : 2021
Genre : Avnat-Garde / Synth Black Metal
A chaque fois que sort un nouveau Krallice, je suis tout à la fois excité et un peu effrayé. Excité parce que c’est toujours d’un niveau incroyable, et effrayé parce que je ne sais jamais ce qu’ils sont capables de sortir. C’est systématiquement débile, mais toujours inattendu.
Ce tout nouvel album est sorti le 5 mars 2021 – soit, à la rédaction de cette chronique, vendredi dernier – donc autant vous dire que je suis loin de l’avoir digéré. Mais pour une fois, battons le fer tant qu’il est chaud car même venant de Krallice, la surprise fut de taille.
Si les albums du projet son bien variés, la signature sonore de Krallice a quasiment toujours été reconnaissable par des nappes de guitares puissantes, des compositions et des solos alambiqués mais toujours très focalisés, une basse et une batterie monstrueuses et multicéphales, et des vocaux criés presque noyés intentionnellement dans le mix.
Sur ce nouvel opus, on retrouve un peu ça… Et totalement autre chose, avec une présence ultra-prépondérante de synthétiseurs qui tire éhontément l’ensemble dans les corridors glacés du Dungeon Synth.
Avant de vous parler de la musique, je prends ce prétexte pour vous présenter le curriculum des grands malades qui constituent ce groupe, juste pour situer les possibilités artistiques.
~~ SELECT YOUR FIGHTER ~~
Colin Marston est un nom incontournable de l’Avant-Garde du Metal extrême. New-Yorkais de son état, le monsieur ne se contente pas d’être un ingénieur du son de génie, propriétaire du studio « Menegroth » (les Milles Cavernes, référence à l’univers de Tolkien) dans lequel il a produit des centaines d’artistes dont Wayfarer, Altar of Plagues, Jarboe, Panopticon, Man’s Gin, Klone, Agalloch, ou Imperial Triumphant – liste pas du tout exhaustive.
Il ne s’en contente pas car il donne également de sa personne dans un bon nombre de formations d’élite : ayant officié dans le légendaire groupe de Tech Death canadien Gorguts, il sévit à la basse dans le fabuleux projet prog instrumental avant-gardiste Dysrythmia, il gratte dans Behold… The Arctopus, un groupe de Tech Thrash proprement hallucinant qui fait pleurer des larmes de sang à Voivod niveau technicité et idées délirantes… Et il est guitariste/bassiste/claviériste pour Krallice qu’on peut considérer comme son groupe « principal », et qui nous intéresse aujourd’hui.
En résumé, Colin Marston c’est un peu le Déhà américain.
Mick Barr, qui donne de sa voix fluette pour Krallice, n’est pas en reste niveau pédigrée. Compositeur et grand malade du son, il apparait dans tellement de trucs qu’il est impossible à suivre : Mossenek, groupe de musique contemporaine / expérimentale / drone au sein lequel on retrouve Colin Marston, Ocrilim, projet solo instrumental de guitare / synth / soundscapes sous le nom duquel il sort quasiment 5-6 EPs par an… Depuis 2005… Et des dizaines d’autres trucs.
Le batteur Lev Weinstein est sans doute le mec le plus « normal » : il officie dans Krallice, mais aussi Anicon (groupe de Black/Death d’excellente facture) et Bloody Panda (Doom Metal).
Quant à Nicholas McMaster, bassiste de Krallice, il est également… Développeur logiciel pour une boîte de Blockchain.
Autant vous dire qu’il y a un niveau de NERDS assez hallucinant par ici. On peut donc s’attendre non seulement à un très haut niveau de technicité, et à un travail très précis sur la qualité de son.
Et à l’écoute, il apparait très clairement que le travail du son prime sur la complexité des compositions. Non pas parce que le son est parfaitement cristallin et bien équilibré ; au contraire c’est d’une subtile balance entre précision et cradinguerie, comme si c’était par endroits enregistré au smartphone ou dans une bagnole garée devant un marais (ce qui serait franchement n’importe quoi, convenons-en).
Ça commence sur un black metal assez puissant et psyché, avec guitares et malmenage de fûts. Et puis ça dérive rapidement sur des pistes où le clavier est prépondérant, imprimant des ambiances froides, tour à tour caverneuses (Dilution), industrielles et menaçantes (Still) voire carrément spatiales (Sapphire). Le chant de Mick Barr est assez « discret » dans le mix, et le son de la batterie est quasi-ectoplasmique. C’est clairement les claviers, dont le son est par contraste cristallin et parfaitement calibré, qui impriment les rythmiques et les ambiances puissantes.
Malgré cette direction artistique étrange, on ne verse en réalité pas dans le Dungeon Synth, car le fond de l’album reste essentiellement Black Metal dans les accroches, les tons, les riffs, et dans l’esprit. Pas un Black avant-gardiste ultra technique, mais un Black Metal avec des compos directes, du mid-tempo, du blast, des allégeances vaguement Indus. Et avec de très belles références disséminées ; par exemple, l’un des riffs de Mass for the Stranghold à la guitare est clairement un hommage au jeu de Snorre (Thorns) ; on sent très fort le riff de From The Dark Past de Mayhem, lui-même une réutilisation de Lovely Children de Thorns.
Bref l’accent est donné sur l’ambiance, bien froide et spooky, un son dépouillé et d’une ampleur vertigineuse, les tonalités plaintives, du cri déchirant et des blast beats. C’est bien un album de Black Metal, mais avec plein, tout plein de synthétiseurs dedans.
Demonic Wealth est un voyage froid, solitaire et addictif ; l’essence d’une belle oeuvre de Black Metal finalement. Foncez.
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