Artiste : X-Japan
Origine : Japon
Date de sortie : 1988
Genre : Heavy/Speed Metal
Cela fait un moment que je souhaite écrire sur X-Japan tellement ce groupe, leur style, leur musique ont eu une énorme influence sur pléthore de générations de musiciens japonais après eux, qu’ils soient dans le visual key ou officiant sur des registres plus heavy; ainsi que le climat culturel général du Japon. Certes, ils n’étaient ni les premiers, ni les seuls à contribuer au mouvement Visual Key ou l’ouverture culturelle du Japon à la culture rock/metal qui restait d’alors assez underground, mais nous ne pouvons renier l’impact qu’ils ont porté à cet ensemble. Yoshiki disait lui même, lors d’un interview avec Konbini en 2017, qu’en créant X (nom du groupe au départ), Toshi (le chanteur) et lui souhaitaient faire connaître le rock au plus grand nom, et on lui a répondu que le grand public n’était pas prêt. Force est de constater que l’industrie musicale du Japon a beaucoup changé depuis!
X-Japan, crée en 1982 par Yoshiki Hayashi (multi instrumentiste, mais pour X-Japan, il sera principalement le batteur et pianiste) et Toshimitsu « Toshi » Deyama (chant). Plusieurs musiciens se défilaient avant que le groupe trouvait sa configuration stable vers 1987 avec Hideto « Hide » Matsumoto (guitare), Tomoaki Ishizuka « Pata » (guitare) et Taiji Sawada (basse), il sera remplacé en 1992 par Hiroshi Morie « Heath », après la fin du contrat entre le groupe et CBS Sony. Il y aurait tellement à dire sur la longue carrière sulfureuse et hachurée du groupe, entre dérive sectaire (Toshi et la secte Masaya), maladie (Yoshiki a de graves problèmes de colonne vertébrale, l’empêchant de jouer trop long temps à la batterie), suicide supposé (Hide); tous ces éléments, ces événements de la vie privée des membres ont contribué à donner cette carrure de légende à X-Japan tellement ils ont eu une impacte sur l’évolution historique et musicale du groupe. Mais je laisserai tout cela au bon loisir de votre curiosité.
Du reste, X-Japan a été le premier groupe à adopter le look glam américain en le japonisant. Beaucoup qualifie la musique de X-Japan du glam rock, mais à travers leurs répertoires de 5 albums au total, on constate qu’ils sont beaucoup plus que ça. Déjà, leur musique est plus dans un registre hard-heavy que glam. D’ailleurs, n’ayons pas peur des grands mots, plus je les écoute, plus le cerne le côté prog dans leurs compositions (le merveilleux Art of Life est un exemple le plus criant), chose qui n’est pas étonnant au vu de la formation classique de Yoshiki, qui est aussi le compositeur principal du groupe. Il y a aussi un côté très agressif, appartenant plus au speed metal, flirtant parfois même avec le thrash dans la musique de X-Japan, rien à voir avec les ballades plébiscitées par le grand public. D’autant plus que sans les problèmes de santé de Yoshiki, on pourrait supposer, à fort raison, qu’ils pourraient sonner beaucoup plus speed sur toute leur carrière.
Et c’est pourquoi, malgré mon amour immodéré pour Art of Life, ou celui qui est considéré comme leur meilleur album: Blue Blood, je souhaite vous proposer d’explorer Vanishing Vision, le tout premier opus du groupe, l’album qui a lancé leur carrière, qui a été produit en indépendant par le groupe lui même via leur label Extasy Records, crée grâce à la maman de Yoshiki qui lui a prêté de l’argent pour ouvrir le label. Yoshiki a une foi d’acier en son groupe et il avait raison puisque cet album, édité en 10.000 exemplaires en 1988, était épuisé en une semaine! C’était une première pour un jeune groupe avec une sortie en indépendant.
Cet album, sûrement celui le plus méconnu du grand public, d’une part parce qu’à part le méga tube Kurenai, le groupe joue rarement ces morceaux pendant leur concert car Yoshiki, avec sa colonne vertébrale en miette, ne pourrait pas tenir la cadence de certains morceaux en live (et le garçon est une grosse brute derrière ses fûts en live); d’autre part, quand on creuse un peu et arrive sur cet album, le son brute et agressif de cette album clairement orienté heavy, avec quelques morceaux thrashisant tranche pas mal avec le reste (à part Blue Blood qui est très heavy avec des morceaux clairement maideniens). De plus, beaucoup de gens trouve qu’il n’y a pas de cohérence dans cet album car il regroupe la plupart des premières compositions du quintet.
Pourtant, cette album, qui est probablement l’album le plus agressif dans la discographie du groupe, est un album d’une grande richesse musicale et regorge de bijoux tout aussi variés les uns que les autres, depuis la belle ouverture grandiloquente Dear Loser jusqu’au dernier morceau littéralement Un-finished.
L’arrangement des morceaux offre un album vraiment cohérent musicalement avec l’agressivité qui monte en niveau petit à petit, le très heavy morceau titre qui s’enchaîne après Dear Loser offre des lignes de guitares fluides, rapides, criantes qui se superposent, une basse lourde mais supra agile, et la batterie qui explose comme un cœur éclaté devant cet amour qui s’évanouisse. Cette dynamique va aller s’épuiser sur Phantom of Guilt pour un morceau heavy prog tout en beauté avant de s’enchaîner sur un hard rock couillu, funky, groovy et baroque de Sadistic Desire avec ses breaks, ses transitions, ses solos de guitare acérés . Le point culminant de l’album est atteint avec le duo Give Me The Pleasure et I’ll Kill You. Si Give Me The Pleasure est éminemment théâtral, il est également d’un funky et d’un groovy qui n’ont absolument rien à envier aux Infectious Groove! C’est un magnifique morceau d’une grande expressivité et sauvage. Cette sauvagerie va continuer avec I’ll Kill You, morceau thrashisant par excellence avec ses riffs rapides et agressifs, on entend même ce touka touka typique du thrash tout au long du morceau, magnifique démonstration de rapidité, d’agressivité et d’efficacité!
Nous redescendons tranquillement au son de la belle ouverture au piano de Alive, avec un gimmick issu du fameux Clair de Lune de Beethoven. Alive, ballade émouvante mais loin d’être mollassonne puisque les riffs guitares et la batteries restent dynamiques dans le fond, même le piano s’emballe par endroit pour prolonger le caractère dramatique sous le signe duquel est placé cet album. Pas étonnant qu’il fait parti du grand répertoire de ballades très plébiscité du groupe.
Nous enchaînons sur les derniers morceaux, les deux qui se trouverons aussi sur leur prochain album, Blue Blood. Kurenai, un des hymnes du groupe, est ici chanté en anglais (il existe une version chantée en japonais sorti en single promotionnel), un bijoux de speed mélodique dans toute sa splendeur avec les mélodies d’une fluidité déconcertante, volant à un rythme échevelé que les musiciens du groupe mènent d’une main de maître!
Après cet ultime soubresaut, nous terminons sur Un-finished au son doux et mélancolique du piano pour être interrompu une fois l’arrivé des autres instruments et de la voix commencent à atteindre leur plein harmonique, comme une déchirure qui interrompre une poème lyrique de quelques vieux livres retrouvés au grenier.
Cet album, injustement méconnu et parfois mal aimé, est pour moi un album emblématique de l’étendu du talent de X-Japan, il donne un aperçu de ce que les 5 garçons sont capables musicalement et techniquement, ce qu’ils auraient pu offrir s’il n’y avait pas toutes les problèmes liés à la santé de Yoshiki. Dans le même temps, il permet d’asseoir le style très personnel du groupe et leur registre musical foisonnant, résultat d’une combinaison entre les influences metal, classique et punk des musiciens ainsi que la liberté totalement assumée dans le travail de composition, donnant des opus à la fois mélodique, mordant et progressifs tout au long de leur carrière. Un classique du groupe, tout aussi important que Blue Blood.