Cairn

Artiste : Mizmor

Origine : Portland, Oregon, USA

Date de sortie : 2019

Genre : Blackened Funeral Doom

Il y a encore peu de temps, j’évoquais avec quelques consoeurs et confrères l’artiste Mariusz Levandowski, très plébiscité par des groupes de Metal de qualité pour réaliser leurs pochettes d’album : Bell Witch, Abigail Williams, et Nihilänth plus proche de chez nous.

Mizmor, un de mes artistes Metal préférés, a également jeté son dévolu sur Levandowski pour son dernier album Cairn. Ce superbe tableau, intitulé le “temps immémoriel”, exprime le thème de la recherche absurde de sens à la vie par l’humain, perdu au milieu d’un univers chaotique dépourvu de sens. Pour paraphraser la présentation de l’album :

Ce prémisse absurde ne laisse de choix à l’individu qu’entre trois options : un acte de foi total vers une recherche de sens [ndlr – comprendre : la religion], le suicide, ou l’acceptation de la réalité. Cairn postule qu’il n’existe qu’une solution viable : l’acceptation, et que l’on doit bâtir des monuments aux deux autres en guise de bornes de non-retour. [Cairn] déclare que l’individu doit se révolter face à cette absurdité en lui riant au visage ; en créant soi-même, dans l’art, dans le plaisir, le but nécessaire à la vie.

traduit de la présentation Bandcamp de l’album

Vous vous en douterez, on est pas face à un joyeux drille mais plutôt à un intello dépressif qui philosophe sur le bonheur pendant que d’autres le vivent sans y penser !

A.L.N., l’homme-orchestre derrière Mizmor, a reçu une éducation catholique scolastique en Allemagne autour des 16-20 ans et a une relation très complexe avec Dieu, réellement instruite, à des années-lumière de tous les Satanic Warmaster et autres Jean-Michel Fucklareligionlol. Il s’est “détourné” de son éducation théologique en revenant en sa patrie de Portland, Oregon où il a développé la scène Metal locale au milieu des années 2000 avec des amis tels qu’un certain M.S.W., responsable d’un petit groupe de Doom totalement mythique du nom de Hell.

La musique de Mizmor est ample et subtile. Il se situe lui-même dans le “Doomed Black Metal”, je le qualifierais plus précisément d’une fusion entre du Black Metal Cascadien et du Doom voire du Funeral Doom. Il a beaucoup fait parler de lui en 2016 avec son premier album, Yodh, véritable chef d’œuvre de noirceur et de désespoir.

Ce second album, s’il renferme plus d’optimisme, est cependant plus difficile d’accès de mon point de vue ; outre le fait que les chansons font 16-18 minutes plutôt que 10, le côté Funeral Doom est encore plus prononcé, on a moins de déferlantes Black. Il faut avoir le temps et y aller plusieurs fois, car cet album est un véritable voyage initiatique. Long, difficile mais transcendant.

Il est sorti en 2019 et j’ai commencé à vraiment l’intégrer dans mes écoutes régulières il y a 3 mois (pile au moment où j’ai arrêté les Xanax mais passons). Une des raisons en est qu’il faut non seulement avoir du temps devant soi, mais il nécessite vraiment d’être écouté une ou deux fois sans faire autre chose, et de préférence, avec un bon casque ou une bonne qualité de son. Le monsieur a tout enregistré dans son propre studio, mais à dépensé sans compter (de son temps et de son talent); la prod est ultra travaillée, chaque seconde, chaque bout de piste sonore est signifiant. Il s’autorise de longs interludes avec simplement une lente oscillation de basse, ou des arpèges acoustiques, avant de repartir dans un long riff déferlante. C’est chargé d’émotions, mais pas entièrement négatives ; derrière la lenteur et la noirceur, se trouvent toujours des passages atmosphériques porteurs d’une certaine positivité; l’espoir donné à l’homme par l’art, face à l’absurde.

Une autre raison du succès de Mizmor est sa voix, râpeuse comme un chant black métal, hululante et résonnante comme un chant DSBM.

Cairn est une expérience étrange, douloureuse et rassurante à la fois. C’est un voyage et le ressenti sera probablement différent pour vous. L’important est de lui donner sa chance. Pour être honnête, autant j’avais directement accroché à Yodh, assez proche d’un Cascadian Black comme Ash Borer, autant Cairn j’ai commencé par trouver ça chiant et lent avant de comprendre le génie de cette œuvre.

Faites une place à Mizmor dans vote cœur si ce n’est déjà fait, parce que c’est un ami qui renferme une sagesse et un réconfort particulier. Pas de ce réconfort facile qui te dit benoîtement que “c’est bon ça va aller, suffit de positiver et tout va bien dans la vie”. Le réconfort de l’ami qui a réellement traversé l’enfer et la mort, et qui sait. Qui SAIT, et qui n’esquivera ni ne jugera la douleur. Mais qui saura te montrer un chemin à travers elle.