Conquistador

Artiste : Stone Healer

Origine : Connecticut, USA

Date de sortie : 2021

Genre : Metal Progressif / Grunge / Black-Death Metal

Si je vous dis « Alice In Chains rencontre Krallice sur une diagonale de King Crimson », vous me dites ?….

Kamoulox.

Oui, OK, certes. Mais moi je dis aussi et surtout Stone Healer.

Ce duo « batterie / tout le reste » mené par deux frangins originaires du Connecticut vient de m’administrer la plus belle cure de nouveauté de l’année. Et dans une année 2021 même pas à moitié entamée et pourtant déjà très fournie en sorties de tous poils, ce n’est pas un vain exploit.

Stone Healer, c’est vraiment du jamais entendu pour moi. Faites-moi plaisir et lancez la première piste, One Whisper, avant de continuer la lecture de cette chronique, afin de ne pas vous spoiler du premier choc que cet album a à offrir. Ça sera pas bien long, vous en faites pas. Quand le choc arrivera, vous le saurez.

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J’attends ici.

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C’est bon ? Vous vous l’êtes pris dans la poire ?

Bien. Continuons, voulez-vous.

C’est cool hein ? Cette tune qui démarre sous les meilleures auspices des années 90, hyper entraînant, grungy et groovy en diable qui fait instantanément osciller du chef… et BLAMMMM c’est parti en blast beats et en trémolos comme autant de baffes en boucle !!!

Ce mélange entre un Grunge entraînant et le chaos maîtrisé d’un Black/Death avant-gardiste est la « patte » de Stone Healer. Format « patte d’ours ». Ça fait tout drôle la première fois et on s’y fait très vite, d’autant plus que c’est loin d’être une juxtaposition aléatoire de ces deux univers ; les compositions sont fluides et se déroulent avec un naturel parfaitement indécent. Ça surprend quand ça veut surprendre, mais la plupart du temps les déferlantes arrivent en coulant de source, il y a de longs moments de dérive pleines de riffs chaleureux et planants, des passages acoustiques de toute beauté, et un chant très majoritairement clair, qui offre un point de repère pour naviguer dans l’ensemble.

En un mot comme en cent, c’est à la fois familier et complètement nouveau, et c’est un véritable coup de coeur. Un coup de coeur salvateur qui arrive pile à un moment où je commençais à me dire que la notion de « Metal Progressif » perdait de son sens.

Je voyais d’un côté des papas du Metal Prog comme Evergrey nous sortir un album, certes d’excellente facture, mais qui sonne identique au prog Metal que j’écoutais au lycée il y a près de vingt ans : un Heavy Metal mélodique avec des changements de modes, des syncopes, des leads néoclassiques, du chant clair avec des paroles ringardes sur un voyage initiatique ou chaipasquoi, des uplift au clavier et emballé c’est pesé. Peut-on encore dire de cette démarche qu’elle est « progressive » ?

De l’autre, je voyais une nouvelle vague de groupes excellents tels Dvne, Ocean Collective ou Intronaut, qui poussent un mélange de Post-Metal et de technicité à la Dream Theater, et d’éléments plus modernes comme des breakdowns ou des structures héritées du Metalcore. Tous excellents, mais qui commencent à converger vers un son qui s’identifie bien et pourraient se regrouper assez rapidement sous une même étiquette.

Entre le « Post-Metal », le « Djent » et ce qu’on appelle le « Metal Avant-Garde » (Imperial Triumphant, Krallice, Nero Di Marte…) et qui semble désormais supplanter l’appellation « Prog » pour ce qui se fait de vraiment novateur… Le « Prog Metal » en tant que démarche se perd-il ? C’est possible.

Ça ou bien je deviens juste un vieux con. On ne saura jamais (tousse).

En face de tout cela, on a à mon humble avis avec Stone Healer un des meilleurs – voir LE meilleur – représentant d’une véritable démarche « Metal Progressif » en 2021 : ça puise dans des éléments bien connus pour en faire une nouvelle expérience, très personnelle, à travers des compositions intelligentes. Une oeuvre qui, sans exploser totalement les limites structurelles connues du genre, ne rentre pas non plus dans les étiquettes déjà établies.

Mais peut-être que j’y réfléchis trop. Peu importe l’étiquette, Conquistador est un pur plaisir, qui se mange sans faim et s’écoute en boucle. Je vous dirais bien « allez-y foncez », mais vous êtes probablement déjà en train de l’écouter 😉