Discharge – Realities Of War / Fight Back / Decontrol

Artiste : Discharge

Origine : Angleterre

Date de sortie : 1980

Genre : punk hardcore, punk rock, d-beat, proto-crust punk (et proto-black metal pour la peine)

Note : 8/10

Initialement influencé par la vague punk 77 anglaise des Sex Pistols, de The Clash ou The Damned, Discharge se fait rapidement un nom grâce à quelques concerts (notamment en première partie de The Clash justement) et une démo sans grande originalité mais efficace, en plus de pointer par moments vers un stile plus froid et sombre que les autres groupes du genre. Fin 1977 le groupe entame sa mue. Le bassiste Nigel Bamford et le batteur Anthony Axon quittent le groupe, mais ne seront pas remplacés. C’est en effet le guitariste Royston Wainwright qui glisse vers la basse, tandis que le vocaliste Terence Roberts prend place derrière les caisses. Seul l’autre guitariste Anthony Roberts ne change pas de poste. Le groupe recrute également un nouveau vocaliste, le brailleurs Kelvin Morris dont le stile vocal s’éloignera vite du chant tipiquement pistolien de Terence Roberts.

Dès 1978 le groupe entame une grosse radicalisation sonore, influencé par les accès hardcore des Buzzcocks sur Another Music In A Different Kitchen, sorti en mars 1978, ainsi que l’anarcho-punk plus froid et moins rock ‘n’ roll de Crass, qui en novembre de la même année sort son légendaire The Feeding Of The 5000. Un troisième album sera crucial dans la maturation de Discharge, Overkill de Motörhead, sorti en mars 1979, en particulier le morceau-titre. Durant cette période, le groupe n’enregistre aucune démo mais façonne son stile et prépare un répertoire de morceaus plus extrêmes qui n’attendent qu’à être enregistrés. Au cours de l’année 1980, trois EP 7’’ arrivent finalement, Realities Of War en mars, Fight Back en mai et Decontrol en septembre, le Discharge nouveau lance enfin sa carrière discografique.

L’influence Buzzcocks se fait entendre dès le morceau-titre du premier EP Realities Of War, qui rappelle énormément You Tear Me Up (souvent considéré comme le premier morceau d-beat), Discharge est devenu plus rapide et plus agressif, aussi bien vocalement qu’instrumentalement, et atteint un niveau de violence quasi-inédit à l’époque. Les ébauches de riffs plus froids présents sur la démo 77 sont par ailleurs beaucoup plus développées comme le montre But After The Gig, où on entend déjà les racines du futur crust punk. Moins rapides et plus punk rock 77 dans l’âme, They Declare It et Society’s Victim restent cependant agressives et se rapprochent de ce que fesait Black Flag sur Nervous Breakdown en 1978.

Passons maintenant au second EP, Fight Back. Sur le morceau-titre ainsi que sur Always Restriction, l’influence Motörhead se fait plus audible, la basse saturée à la Lemmy prend plus de place, et l’orientation d-beat prise par le précédent EP devient plus extrême encore. Ces titres sont terriblement dévastateurs en plus d’être incroyablement violents pour 1980, et voient Discharge devenir une véritable machine de guerre. War’s No Fairytale va même encore plus loin avec ses riffs glaciaus annonciateurs aussi bien du crust punk que du black metal (pas étonnant que les Celtic Frost, Bathory ou Darkthrone s’en réclament). L’EP contient tout de même quelques moments punk moins extrêmes, comme You Take Part In Creating The System évoquant à nouveau les premiers Black Flag, ainsi que Religion Instigates qui sonne quasiment aussi punk 77 que la première démo, le groupe n’oublie pas ses racines.

Le troisième EP Decontrol commence de façon moins radicale avec un morceau-titre toujours aussi efficace mais relativement « classique » comparé aus tueries de Fight Back. Ce n’est cependant pas le cas des deus autres titres, bien au contraire! It’s No TV Sketch et Tomorrow Belongs To Us accroissent encore le niveau de brutalité et s’approchent à grands pas du Discharge de 81-82, l’agressivité, la hargne, la froideur mais également un sens de l’accroche qui rend ces titres monstrueusement efficaces, tout y est.

Alors que beaucoup de ses modèles originels se sont tous tournés vers des formes diverses de post-punk (John Lydon avec Public Image Ltd, The Damned à partir du Black Album et The Clash à partir de de Sandinista), Discharge a choisi la voie tracée par les Buzzcocks et Crass vers des formes de punk plus extrêmes, en plus d’ajouter une grosse louche heavy/speed metal grâce à l’influence de Motörhead. Au fil de l’année 1980, le groupe a digéré ses influences et parachevé son stile, atteignant des niveaus de violence musicale inouïs pour son temps en plus de signer des compositions mémorables, et ce n’est que le début. Les EP Why et Never Again pousseront la démarche encore plus loin en 1981, avant l’apotéose Hear Nothing See Nothing Say Nothing en 1982, un premier LP légendaire qui aura un impact considérable sur le punk hardcore, le crust punk, le grindcore mais aussi le thrash metal, le death metal (notamment suédois) et les prémices du black metal, rien que ça. Comme beaucoup de groupes précurseurs, Discharge aura une carrière mouvementée et une discografie en pointillés, mais son empreinte sur la musique demeure indélébile, encore aujourdui.