Entracte : Entre post-prog et new wave à claviers
Album : Saga
Artiste : Saga
Origine : Ontario, Canada
Eh oui le soissantejeudizuite est enfin de retour après un mois de coupure consacré à la rédaction de ma tèse! Pour resituer un peu, l’acte II dédié aus formes émergentes de rock prog et d’art rock s’était achevé sur le colossal Exposure de Maitre Fripp, c’est donc le moment d’annoncer l’acte III dont le tème sera la new wave « à claviers », autre courant majeur des années 80 profondément influencé par les sorties décisives de l’année 1978. Avant d’attaquer le vif du sujet, je propose aujourdui un entracte fesant le pont entre rock prog et new wave, les Canadiens de Saga et leur premier disque éponime!
Le groupe est formé dans la banlieue de Toronto en 1977 par les trois frères Crichton, David (chant), Ian (guitare) et Jim (basse, claviers), en compagnie de Peter Rochon (claviers) et Steve Negus (batterie). Bien qu’encore jeunes, les gaillards sont loin d’etre inexpérimentés, puisque Jim Crichton, Peter Rochon et Steve Negus ont déjà fait partie de Fludd, un groupe art pop qui a connu un succès honorable au Canada avec ses trois albums sortis entre 1971 et 1975. Dès la fin 1977, David Crichton est remplacé par celui qui allait devenir la vois éternelle de Saga, Michael Sadler, le groupe est alors pleinement formé. Très vite, le répertoire de Saga se développe, dans une veine rock prog certes élaborée mais qui conserve l’attrait pop immédiat de Fludd, en le teintant de sonorités plus contemporaines et d’un univers inspiré de la littérature futuriste. Après avoir construit sa notoriété au fil des concerts, la bande entre en studio durant l’hiver 77-78 pour enregistrer son premier album studio, sous les commandes de Paul Andrew Gross. Simplement batisé Saga, le disque débarque dans les bacs canadiens en avril 1978, le reste du monde devant pour l’heure se contenter d’imports.
Autant le dire tout de suite, difficile de trouver un disque combinant aussi bien tout ce qui était bon dans les décennies 70 et 80! Des titres comme How Long ou Perfectionist incarnent à merveille ce changement d’époque, puisant aussi bien dans le rock prog soigné de Genesis ou Camel que l’arena rock proggesque de Styx et Boston, mais avec de gros accents synthpop/new wave dans les claviers et le ritme plus dansant, et surtout ce supplément de génie qui rend le tout absolument irrésistible! Et que dire de Humble Stance, devenu depuis un des classiques du groupe! Sorte de valse prog quelque part entre Supertramp et les Stranglers s’il fallait le rapprocher de quelque chose, ce titre offre des mélodies d’une beauté incroyable, en plus d’une envolée instrumentale de rêve, un véritable bijou qui mérite amplement son statut culte! Autre tube en puissance de l’album, Give ‘Em The Money ajoute quelques délicieus accents disco à la formule prog-synthpop pour un résultat à nouveau brillantissime, avec en prime l’un des refrains les plus marquants du disque! De l’autre côté du spectre musical, Tired World officie dans un registre plus élaboré avec ses 7 minutes, fesant la part belle aus nappes de clavier rêveuses et aus solos de guitare épiques, et prouvant donc que le « vrai » rock prog n’était pas mort à la fin 70. Notons qu’en plus des claviers, le chant très caractéristique de Michael Sadler contribue énormément à cette fusion prog-new wave par son mélange de chant opératique et de lamentations goth rock/new wave, et constitue une composante essentielle de l’identité du groupe!
Souvent considéré comme un précurseur de la vague néo-prog du début 80, le premier Saga annonce en effet la rencontre entre héritage rock prog 70s et sonorités pop new wavisantes plus contemporaines qui caractérisera ce courant! Ambitieus et original, le disque n’en reste pas moins délicieusement accrocheur, et plusieurs de ses morceaus seraient sans doute devenus des tubes internationaus s’ils avaient été plus diffusés! Par ailleurs, malgré un enregistrement dans des conditions plutôt rudimentaires comparées aus cadors de l’époque, la production de Paul Andrew Gross enrobe parfaitement le contenu musical de l’album et met en valeur toutes ses subtilités instrumentales, en plus de faire preuve d’une certaine modernité.
Un tel bijou ne pouvait cependant pas passer inaperçu longtemps! Si on est encore loin du carton mondial que sera Worlds Apart 3 ans plus tard, le premier Saga reçoit un accueil public plus qu’honorable et permet au groupe de se construire une solide et fidèle base de fans, d’abord au Canada puis en Europe. Certains titres comme Humble Stance ou How Long deviennent rapidement des classiques et resteront des standards scéniques durant les années qui suivront, ce qui ne fera que renforcer le statut culte de l’album. Parfaitement lancé, Saga confirmera les promesses suscitées par son éponime dès mai 1979 avec la sortie du tout aussi prodigieus Images At Twilight, dans une veine musicale très similaire et toujours sous la houlette de Gross!