Greta Van Fleet – The Battle At Garden’s Gate

Si dans notre vie privée il est souvent triste et regrettable de se tromper sur les individus, sur leur honnêteté, leurs valeurs voire leur talent, il n’en est pas nécessairement de même dans le domaine de l’art, et particulièrement en musique.

Prenez Greta Van Fleet, par exemple… Le peu que j’en avais entendu m’avait amené à négliger ce groupe, peut-être même à lui vouer un léger et discret mépris. La cause en était simple : Absolument tout chez eux me faisait bailler et les chansons entendues ici et là ne m’avait en aucun cas donné envie d’y revenir. J’avais la curieuse impression qu’ils essayaient bien trop ardemment de singer les grands sans avoir une once du talent nécessaire pour rendre l’exercice intéressant. Je me terrais donc dans ce préjugé pratique, car admettons-le, on ne peut pas tout écouter quand on a une vie qui tourne autour d’autre chose que de la musique et du blabla pompeux et souvent inutile qui lui est consacré. La découverte fut donc aussi plaisante qu’inattendue quand le magnifique « Heat Above » est venu bouleverser mes préjugés ! En quelques minutes incroyables je réévaluais le groupe, son talent, son message, l’honnêteté de sa démarche. Je venais aussi, probablement, de voir un groupe sortir de sa chrysalide et déployer des ailes multicolores d’une beauté que rien n’aurait pu laisser présager avant ça. Car cet album, The Battle At Garden’s Gate, est une pure merveille, et si je ne vous en parle qu’aujourd’hui je peux vous dire qu’il m’accompagne quasiment depuis sa sortie.

Sa beauté réside dans sa cohésion, dans le talent éclatant de chacun de ses musiciens, à commencer par le chanteur. Sa performance le classe soudain dans le haut du panier, tant sa voix est vitale au groupe, source d’émotions, de mélodie et tant il sait imposer une signature vocale originale. Là encore, c’est dès l’ouverture qu’il sait moduler à la fois des envolées angéliques et des moments plus rugueux… Car tout enjôleur que le groupe puisse se faire, il n’en demeure pas moins un groupe de rock, et un excellent. Les autres, instrumentistes de talent, ne sont bien sûr pas en reste et c’est là encore avec délectation que les frères (accompagnés de leur batteur) nous en mettent plein les oreilles, à la guitare bien sûr, mais aussi dans la section rythmique, racée, puissante… Je n’ai soudain plus l’impression d’entendre des enfants qui essaient de recréer la musique d’un vinyle subtilisé à leurs parents, mais j’entends un groupe qui sait ce qu’il fait, qui se donne les moyens de ses ambitions et impose sa patte. Les arrangements sublimes qui permettent à certains titres de briller par leur caractère épique, par exemple, nous transportent très loin. Ces bijoux jalonnent l’album comme autant de morceaux de bravoure, dans un agencement de titres parfaitement équilibré où ils s’accordent idéalement avec les morceaux plus simplement rock mais toujours redoutablement efficaces. Qui dit agencement intelligent dit bien sûr fin en apothéose, et là encore aucune déception possible. Le morceau final est suffisamment beau et épique pour marquer les esprits et surtout, pour donner envie de réécouter l’album, afin de se remettre de ses émotions en dégustant « Heat Above », décidément magique… et de se laisser aller à une énième écoute !

C’est ainsi qu’en un album, j’ai apprécié d’avoir tort, m’être fourvoyé, d’avoir jugé trop vite. Ce fut pour le meilleur, à tel point que je ne peux que me demander si la suite pourra être aussi inspirée et marquante. Je l’espère bien, autant pour eux que pour moi. Ils m’ont même donné envie, à l’occasion, de replonger dans leurs débuts, même si je suis encore bien trop obnubilé par cette œuvre là pour avoir besoin d’autres chansons de leur part.