III. 2. Gary Numan & Tubeway Army – Tubeway Army

Acte III : Post-punk/new wave à claviers, synthpop

Album 2 : Tubeway Army

Artiste : Gary Numan & Tubeway Army

Origine : Angleterre

Il était évidemment impossible de parler de synthpop sans évoquer Gary Numan et son groupe Tubeway Army, qui même s’ils avaient un cran de retard sur Ultravox figurent tout de même parmi les principaus pionniers du genre. Formé à Londres en 1977 sous le nom de The Lasers, le groupe se compose alors du guitariste-chanteur Gary Webb (futur Gary Numan), du bassiste Paul Gardiner et du batteur Jesse Lidyard. À cette époque, pas de sintétiseur dans l’orchestre mais un glam punk énergique et bien riffé, fortement influencé par David Bowie, Roxy Music ou Lou Reed, un peu comme leurs compatriotes d’Ultravox sur lesquels ils ne cesseront ensuite de prendre exemple. Les Lasers deviennent Tubeway Army courant 1977 et se construisent peu à peu un répertoire solide grace à la prolificité de Gary Webb. Durant l’hiver 1978, la bande enchaine les concerts et les démos, jusqu’à décrocher un premier contrat chez le petit label Beggars Banquet. De cette collaboration sortiront deus singles, That’s Too Bad en février puis Bombers en juillet.

Malgré un succès honorable et une qualité indéniable, ces singles sont loin de satisfaire Gary Webb, qui sent que l’age d’or de ce genre de punk rock anglais tipé 77 est déjà passé et que l’avenir est ailleurs. Par ailleurs, les violences qui surviennent durant les concerts achèvent de le dégouter du monde punk et le conduisent à délaisser la scène pour faire de Tubeway Army un groupe 100% studio. Le tournant majeur de la carrière de Webb est alors proche, mais ce n’est que le début! Impressionné par le récent virage électronique pris par Ultravox sur Ha! Ha! Ha!, ainsi que la trilogie berlinoise de Bowie, il récupère un sintétiseur Minimoog qui trainait dans les studios afin d’intégrer le même genre de sonorités à sa musique. Il prend ensuite le pseudonime de Gary Numan, et développe peu à peu l’imagerie empreinte de science-fiction qui fera sa renommée. On est alors en août 1978 et Tubeway Army est en plein enregistrement de son premier album studio, pour lequel Gary Numan gère à la fois l’écriture et la production. Il est toujours accompagné des membres fondateurs Gardiner et Lidyard, les autres recrues intégrées par la suite ayant été congédiées après l’arrêt des concerts. Au départ, Numan souhaite pousser plus loin la rupture avec le passé en sortant l’album en son nom propre plutôt que sous le nom de Tubeway Army, mais le label en décide autrement. Laissé sans nom, ce premier disque sort en novembre 1978, soit deus mois après Systems Of Romance d’Ultravox dont on reparlera ensuite.

Musicalement, ce premier Tubeway Army est clairement entre deus eaus. L’intérêt récent de Numan pour les sintétiseurs aboutit au très robotique et futuriste Listen To The Sirens, dont le chant saccadé et les effets électroniques divers annoncent clairement la suite de la carrière du bonhomme, et même du courant synthpop en général. On est donc loin des punkeries que le groupe jouait encore quelques mois auparavant. Cependant, une bonne partie du disque officie dans une veine post-punk nettement plus riffée et moins sintétique, bien que le côté robotique subsiste et démarque donc l’ensemble des singles précédents. Dans ce registre, le presque hard rock Friends, My Shadow In Vain et ses irrésistibles lignes de basse ou le plus sombre Steel And You sortent du lot et s’imposent parmi les morceaus les plus mémorables de l’album. On remarque tout de même que plusieurs titres, bien qu’agréables, tendent parfois à se ressembler et manquent du petit plus qu’auront les albums suivants, Numan est encore au début de sa démarche et ça s’entend. Heureusement, The Life Machine, Every Day I Die ou Jo The Waiter amènent une variété bienvenue au disque par leur orientation pop plus acoustique et permettent d’apprécier le talent du groupe dans un registre un peu différent.

En terme d’impact et d’originalité, Tubeway Army a beau ne pas être Systems Of Romance, il reste un album décisif dans la carrière de Gary Numan. C’est en effet dans ce disque que le bonhomme entame ses premières excursions en terres synthpop, certes de façon un peu primitive, mais avec une identité déjà très affirmée et qui se démarque de presque tout ce qui existe à cette époque. On ne peut également qu’être épaté par la rapidité avec laquelle Tubeway Army s’est émancipé de ses origines punk, surtout quand on pense que seuls 3 mois séparent l’enregistrement du single Bombers des premières sessions d’enregistrement de l’album.

Sans être un succès massif, le premier Tubeway Army se vend bien auprès du public amateur de post-punk, et permet au groupe de conserver la confiance du label Beggars Banquet. Cependant, pour Gary Numan, il ne s’agissait que d’une étape, et n’ayant pas à faire de tournée, il retourne en studio dès décembre 1978 en compagnie de Paul Gardiner et Jesse Lidyard pour enregistrer un segond disque. Car entretemps, il a pris l’une des grandes claques de sa vie avec la sortie de Systems Of Romance d’Ultravox, en plus d’envier la créativité de Die Mensch Maschine de Kraftwerk sorti un peu plus tôt dans l’année, et est donc bien conscient qu’il devra faire plus pour rester à la pointe d’un courant qui évolue à grande vitesse. Il s’équipe donc d’un matériel électronique plus conséquent et développe encore un peu plus son imagerie distopique inspirée de la littérature de science-fiction, tout en conservant sa patte déjà unique entendue sur le premier disque, ce qui aboutira au légendaire Replicas en avril 1979. Son impact sur la synthpop mais aussi la musique industrielle (metal indus inclus) sera évidemment immense et influencera plusieurs générations d’artistes, à une échelle comparable à celle de ses icones d’Ultravox.