III. 4. Blondie – Parallel Lines

Acte III : Post-punk/new wave à claviers, synthpop

Album 4 : Parallel Lines

Artiste : Blondie

Origine : New York, États-Unis

Depuis ses débuts, Blondie a toujours été une curiosité de la scène punk new-yorkaise. Si on retrouvait dans la musique du groupe une hargne et une immédiateté très ramonesque, la présence de claviers proéminents ainsi que des côtés pop 60s et glam rock plus affirmés le distingaient des standards de cette scène. C’était déjà vrai sur l’éponime de 1976, ça l’était encore plus sur le Plastic Letters de 1977 où les claviers prenaient une place encore plus importante, malgré un ancrage encore fort dans le son punk de l’époque. Le chant iconique et immédiatement reconnaissable de Deborah Harry y était également pour beaucoup dans la personnalité du groupe, en particulier dans une scène encore très largement masculine. Début 1978, Blondie arrive à l’un des tournants majeurs de sa carrière. Laissé vacant depuis le départ de Gary Valentine pendant l’enregistrement de Plastic Letters, le poste de bassiste est confié à Nigel Harrison, qui rejoint donc une équipe composée de Deborah Harry (chant), Chris Stein (guitare), Frank Infante (guitare), Jimmy Destri (claviers) et Clem Burke (batterie). Le succès de Plastic Letters et en particulier du single Denis permet par ailleurs au groupe de changer de dimension. Ainsi, pour le troisième album, la troupe quitte les petits studios Plaza Sound pour le légendaire Record Plant, toujours à New York, tandis que la production est confiée au très prisé Mike Chapman après deus albums produits par Richard Gottehrer.

L’enregistrement de l’album se déroule durant tout l’été 1978. Réputé exigeant voire abusivement autoritaire, Chapman peine cependant à mettre au pas des musiciens habitués jusqu’ici à plus de liberté durant l’enregistrement. Son obsession pour la perfection tranche avec la spontanéité punk du groupe, et plusieurs sessions tournent au vinaigre, ce qui n’est évidemment pas sans rappeler la houleuse collaboration entre Phil Spektor et les Ramones un an plus tard. Néanmoins, Chapman demeure convaincu de l’énorme potentiel de la bande, et malgré les rétience du label à l’issue de l’enregistrement, c’est Chapman lui-même qui défend le produit final. L’album sort finalement en septembre 1978 sous le nom de Parallel Lines.

Si l’éponime et Plastic Letters frappaient déjà très forts, avec Parallel Lines Blondie franchit un gros cap et atteint l’excellence! Globalement plus pop, le disque est gorgé de tubes inoubliables, tels le très punk One Way Or Another, le plus léger et charmeur Sunday Girl ou l’irrésistible 11:59 et ses airs de clavier très 60s. Mais tandis que ces titres n’auraient pas franchement dénoté sur les deus disques précédents, Parallel Lines se démarque aussi et surtout par ses côtés plus ambitieus et expérimentaus, particulièrement flagrants sur l’extraordinaire et disco-isant Heart Of Glass! Étonnamment, les bases de ce morceau, originellement batisé The Disco Song, avaient été écrites dès 1977 pour Plastic Letters, mais le groupe avait jugé qu’il se démarquait trop du reste de l’album et ne l’avait donc pas inclus. Il refait finalement surface un an plus tard mais avec un côté disco bien plus affirmé et surtout l’intégration d’influences électroniques inspirées notamment des récentes sorties de Kraftwerk. Il en résulte l’un des titres les plus mémorables de cette époque, et l’un des simboles les plus marquants de la transition entre les décennies 70 et 80 par son mélange redoutable entre new wave, disco et musique électronique! Tout y est, le refrain emblématique, la ligne de basse groovy, les nappes de clavier futuristes, la parfaite juxtaposition entre batterie organique et sintétique, et surtout cette vois si envoutante qui sublime le tout, un véritable bijou, de ceus qui marquent durablement l’histoire de la musique! Autre moment de génie, Fade Away And Radiate voit le groupe officier dans un registre inédit pour lui, une réappropriation personnelle du volet électro-expérimental de Roxy Music et David Bowie mis à la sauce art punk aérien façon Television, avec en prime la participation de Robert Fripp qui ajoute une touche progressive avec son jeu de guitare unique, tout simplement grandiose!

Parfaitement lancé par ses deus excellents premiers disques, Blondie atteint la consécration dès son troisième album grace à un Parallel Lines brillant sur tous les points, et ce malgré des conditions d’enregistrement particulièrement difficiles. Le groupe étend considérablement sa palette sonore, prenant des accents plus électroniques par moments, mais sans pour autant perdre son identité ni son immédiateté qui fesait son charme, et réussit donc à combiner à merveille ambitions artistiques et efficacité pop.

Véritable machine à tubes, Parallel Lines cartonne dans le monde entier dès sa sortie, et propulse Blondie à un rang de superstars inimaginable encore deus ans auparavant. En plus de séduire un large public, le groupe et cet album en particulier auront un impact colossal sur l’évolution de la pop, étant cité comme influence prépondérante aussi bien par Madonna que par No Doubt ou Garbage. Malgré une première expérience tendue, la collaboration entre Mike Chapman et Blondie sera reconduite pour les trois albums à venir, à commencer par Eat To The Beat en 1979 qui, sans atteindre les sommets de Parallel Lines, sera également de très grande qualité.