Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism

Artiste : Napalm Death

Origine : Angleterre

Date de sortie : 2020

Genre : Grindcore, Crust Punk, Post-Punk

Note : 8/10

En espaçant quelque peu ses sorties, Napalm Death avait réussi à retrouver une inspiration en dents de scie depuis le départ de Jesse Pintado, même si Apex Predator Easy Meat ne confirmait qu’en partie le renouveau entamé par Utilitarian. La deuxième moitié de la décennie 2010 a cependant laissé planer quelques doutes sur l’avenir de la bande. En plus d’être le plus long laps de temps sans album de l’histoire du groupe, cette période voit l’implication de Mitch Harris décliner significativement, celui-ci étant régulièrement remplacé par John Cooke dans les tournées. Les doutes sont enfin dissipés milieu 2018 après que Mark Greenway ait certifié au cours d’une entrevue que Mitch Harris serait bien de la partie pour l’enregistrement du nouvel album, annoncé pour 2019 avant d’être repoussé à la fin 2020.

On prend donc les mêmes et on recommence! Mark Greenway (chant), Mitch Harris (guitare), Shane Embury (basse) et Daniel Herrera (batterie) répondent bien présent comme c’est le cas depuis 1992, et la production est à nouveau assurée par Russ Russell qui avait remplacé Colin Richardson pour l’enregistrement d’Enemy Of The Music Business en 2000, autant dire que les années de rotations d’effectif semestrielles de 81 à 91 sont désormais bien loin. Après 5 ans d’attente, ce 16ème album sort finalement en septembre 2020 sous le nom de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism, un titre particulièrement évocateur en cette période de troubles.

Pour démarrer ses albums passés, Napalm Death a oscillé entre les démarrages bruts et sans détour et ceux plus lancinants, et ici, c’est la première option qui a été choisie avec un Fuck The Factoid qui bourre à 200 à l’heure et en met plein les oreilles, avec en plus un côté épique faisant beaucoup penser à Anaal Nathrakh, très bonne entrée en matière. Arrive ensuite l’un des meilleurs morceaux de l’album et même de toute la discografie récente du groupe, le missile Backlash Just Because! Alternant couplets groove-hardcore dévastateurs et refrain post-punk crusty terriblement prenant, ce titre aurait eu sa place sur Inside The Torn Apart tant il épate de bout en bout, du très grand Napalm Death comme on en avait peu entendu récemment! On retrouve cette alliance d’agressivité grind/hardcore et de froideur plus crust/post-punk sur une bonne partie de l’album, en particulier sur Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism, That Curse Of Being In Thrall, et surtout l’excellent Contagion dont le refrain glacial et très Killing Joke-esque se grave instantanément dans la tête. Mais que les amateurs de brutalité plus crue se rassure, l’album contient aussi son lot de titres grind/death plus épurés, à commencer par Zero Gravitas Chamber, dont certains passages font directement écho à la période Harmony Corruption, ou le très incisif Feral Carve-Up qui prouve que même en 2020 on peut encore être efficace avec des ingrédients très simples. Et quand le tempo se fait plus lourd et groovy, ça donne le très Celtic Frost-esque Invigorating Clutch, où Greenway va même jusqu’à rendre hommage à Thomas Gabriel Fischer et son célèbre « ugh » (il l’avait déjà fait à la fin d’Enemy Of The Music Business 20 ans auparavant), là encore c’est le refrain, cette fois plus caverneux et doomy, qui fait la différence!

Disséminées sur pas mal de morceaux, les influences post-punk et noise rock rejaillissent de façon encore plus nette à certains endroits, plus même que sur Diatribes et Inside The Torn Apart, à tel point qu’il faut probablement remonter jusqu’à la démo Hatred Surge de 1985 pour en avoir autant! Le morceau qui frappe le plus dans ce registre est sans aucun doute Amorale, un hommage complètement assumé à Killing Joke, et réussi en prime puisqu’aussi bien les riffs sortis des tréfonds de la vague post-punk anglaise de la fin 70 que le refrain super entrainant font mouche. Joie De Ne Pas Vivre se démarque également pas mal avec sa ligne de basse motörheado-dischargienne plongée dans un contexte très bruitiste voire franchement terrorisant, une expérience qui en déroutera certains mais où le groupe montre à nouveau qu’il ne se repose pas sur ses acquis. Toujours très noise rock mais plus lent et lancinant, A Bellyful Of Salt And Spleen offre à l’album une conclusion à la hauteur de sa qualité, les vocaux hantés sont un régal, les riffs torturés aussi, aussi bien à la guitare qu’à la basse, on ne pouvait rêver de meilleure fin!

Après 5 ans d’absence discografique, Napalm Death réussit un retour fracassant et signe probablement son meilleur album depuis le départ de Jesse Pintado! Le pari de redonner aux influences post-punk et indus une place prépondérante était plutôt osé quand on connait l’impopularité de la période Diatribes/Inside auprès d’une partie du public, mais le groupe a su parfaitement intégrer ces sonorités à sa hargne grind caractéristique, de quoi satisfaire à peu près tout le monde.

Le pari sera en tout cas gagnant puisque Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism sera très positivement accueilli par le public à sa sortie, et pas seulement pour ses côtés post-punk mais plus généralement pour la solidité de ses compositions et surtout sa consistance. Difficile en effet de trouver un morceau faible ou dispensable dans ce dernier disque, alors que la plupart des sorties post-Pintado du groupe en regorgeaient, une performance à saluer après presque 40 ans de carrière, et qui on l’espère tous en appellera encore d’autres!