Syning

Artiste : Syning

Origine : Norvège

Date de sortie : 2021

Genre : Black Metal

2021, année Black Metal.

Si cette année a été exceptionnellement prolifique pour tous les genres musicaux, il semble que le fan de Black Metal ait été particulièrement gâté en nouvelles sorties, collaborations et démos. La variété des approches musicales et thématiques du genre n’est plus à discuter et l’offre pléthorique a de quoi décontenancer l’aventureux béotien qui se serait mis en tête de découvrir ce que la scène a à offrir en 2021.

Qui es-tu, Black Metal ? Et peux-tu me donner 3 qualités pour mieux te connaître ?

Personnellement, je suis attaché avant tout à l’atmosphère, l’émotion, et à une certaine forme de simplicité. Beaucoup des albums qui m’ont marqué cette année présentent une approche directe et entière de leur concept, qu’il soit classique ou expérimental. Et si je devais retenir et conseiller un album résolument actuel tout en étant représentatif du Black Metal dans son ensemble, je sortirais sans hésiter Syning.

Ce tout premier et court album – à peine plus de 30 minutes – contient en lui tous les éléments fondamentaux nécessaires pour appréhender le Black Metal : trémolos, blast beats, spooky vibes, tout le toutim. Et pourtant, il se démarque des vieux classiques par des subtiles libertés d’ambiance et d’arrangements. Syning a beau être classique dans son approche, il se grave dans la mémoire aussi sûrement qu’une info inutile ; pas un riff, pas un motif n’est oubliable.

La simplicité et la maestria avec lesquelles l’ensemble est exécuté sont désarmantes ; et pour cause, les trois personnes derrière ce projet sont loin d’être des lapereaux de quinze jours. Il s’agit de Levninger, l’homme mystérieux qui sévit dans l’underground derrière Knokkelklang depuis les années 2000, V. Einride (ou Vyl), qui a tapé les fûts pour Keep of Kaleesin par périodes et qui mène le plébiscité projet Whoredom Rife depuis 2016, et enfin l’incroyable Cernunnus, tête pensante de Manes et pionnier de l’avant-garde Norvégienne.

Que du beau monde donc, l’assurance d’avoir le sang royal du Black Metal norvégien à l’oeuvre et un travail particulier sur les ambiances, Cernunnus ayant un talent certain pour créer un Univers avec un clavier entre les mains. Et s’il y a bien un maître mot pour décrire cet album c’est : Ambiance.

Une nappe de claviers ambiants qui monte très, très lentement. Un feeling un peu onirique. Des larsens très lointains et comme des voix qui appellent derrière un voile. Des courants d’air froids qui courent à travers des couloirs sombres et humides de ce qui pourrait être un vieux château… Ou un dispensaire au temps de la Grande Peste.

Quand le premier riff commence, nous en sommes à 2min30 passées.

Un riff simple, un motif qui appelle à être répété, et des notes longues et soutenues, dronisantes. Puis la section rythmique démarre et le riff prend sa forme complète, entêtante et rituelle. La voix rauque de Levninger est comme celle d’une créature gardant les morts qui hantent ces lieux.

Un arrêt sur une note d’orgue… Et le second riff prend, furieux, emporte l’auditeur le long des Blasts comme dans une descente infernale dans les galeries et les catacombes.

Les deux premières pistes progressent ainsi de motif en motif, entre froideur caverneuse et glaciale, furie sourde, et grandiloquence symphonique. On passe de couloirs froids gardés par des momies ou des armures vides aux entrailles de la Terre, jusque dans les grands Halls d’apparat abritant des horreurs passées, constamment alourdi par une sombre chape de désespoir et la promesse d’aucune lumière au bout du chemin.

Bref, l’ambiance est Black. Metal. As. FVCK.

Les compositions sur ces deux pistes de peu ou prou un quart d’heure chacune sont frappantes de simplicité, la première étant plus agressive et la seconde plus posée. Mais également d’une cohérence d’ensemble captivante : chaque riff est à sa place, les arrangements marquent les étapes du voyage et – caviar de composition en Black Metal selon moi – des motifs s’appellent et se répondent, le plus frappant exemple étant le moment où, vers la conclusion de El Siste Skrik, est repris le tout premier riff du début d’album. C’est ce genre de moments qui distingue les bons albums qui passeront de ceux, exceptionnels, qui resteront gravés dans les mémoires, ce genre de moments qui frappent l’esprit à la première écoute.

C’est simple, lancez cet album et ensuite laissez-le tourner en entier sans réfléchir, quoi que vous fassiez. Syning est de ces albums qui peuvent tout à fait s’aborder en écoute passive, mais demandent cependant à ne pas céder a la tentation de « zapper » sur des passages longs, de se dire « j’y reviendrai plus tard », bref de ne pas céder à la pression constante du temps et de l’efficacité.

La dernière piste Fortapt, entièrement ambiante et menée aux claviers et à la guitare acoustique, en est une manifeste conclusion : Syning est le vaisseau des émotions de ses créateurs au plus noir de l’hiver Norvégien. Ils ont eu des mois pour composer et arranger ces « petites » 34 minutes, alors soyez sûrs que chaque détail est à sa place et que cette oeuvre récompense ceux qui prennent le temps d’entendre.

Récompense largement à la hauteur de l’effort car vous tiendrez alors dans votre répertoire un album du plus noble Black Metal, parmi ce qui se fait de mieux en 2021 : moderne et traditionnel, sombre, racé et développant une véritable ambiance envoûtante.