Rétrospective 2022 – Pagus

« Vulnerant Omnes Ultima Necat »

Soudain, on se sent vieillir. On a cette conscience accrue du temps qui passe, de ces moments qui ne reviendront plus. On ressent parfois l’urgence, l’envie de vivre, l’envie d’y croire et de s’accrocher. Mais revient inlassablement ce refrain de vieillesse prématurée, difficile à enfouir. C’est sans doute ainsi que Rammstein, ces Teutons qui ont l’immense privilège de se muer en génies, en valeurs sûres, en producteurs de musique en conserve ou carrément en beaufs intersidéraux selon les commentateurs, ont pu me séduire et me gagner définitivement à leur cause, une vingtaine d’années après notre première rencontre. Leur morceau Zeit, agrémenté d’un clip d’une poésie et d’une beauté rares, m’a simplement transcendé. Le Temps, voilà quelque chose de puissant, d’inexorable… Quand l’album est arrivé, en avril 2022, j’ai redécouvert ce groupe, ses membres, en les comprenant sans doute un peu mieux, notamment dans leurs préoccupations existentielles. C’est ainsi que si ils ne sont pas numéro 1 avec leur album, la chanson Zeit tient pour moi le haut du pavé cette année, ou du moins alors que j’écris ces mots.

Le temps peut parfois donner la force, comme à GGGOLDDD et à l’admirable Milena, aussi courageuse que vulnérable dans son armure sur cette pochette incroyable et qui restera dans les esprits. Le groupe mérite amplement que je les mette au sommet, car This Shame Should Not Be Mine n’est pas une simple suite de morceaux, c’est une œuvre conceptuelle… bien que le mot sonne presque vulgaire ici. C’est un catharsis fabuleux mais pas sans risque, ni pour les musiciens, ni pour leur public. C’est un moment particulier, une expérience à part. Il est peu probable qu’un morceau de cet album puisse s’aventurer dans une playlist anodine, pour peu que l’amateur éclairé en connaisse le contexte de gestation. Il est donc souhaitable que cet album dépasse de loin le cadre de 2022, ainsi que l’auditoire auquel il pourrait se restreindre. Dans son esprit quasiment militant, comme dans sa conception musicale remarquable, il faut qu’il soit mis en avant comme il le mérite, et rien que pour ça j’espère que sa vie d’œuvre sera longue et riche.

Le retour de Blind Guardian, presque plus énergiques que jamais, modernes dans leur approche comme ils se le doivent à eux-mêmes, permet de défier le temps. Tant d’albums, tant de décennies traversées, et pourtant ils demeurent exemplaires.

Ils pourraient pourtant partir à la retraite le cœur léger, sachant que la fougue et la poésie de Fellowship emplit les cœurs des fans de Power Metal. Les Anglais ont su me transmettre cette fameuse envie de vivre mentionnée plus haut, et pour ça je leur en suis reconnaissant. C’est dans leur album que j’ai puisé une bonne partie de mon énergie au cours de la fin de l’année !

Et que dire de Melissa, de son groupe Sonja, de ce rock sombre et abrasif qui n’hésite pas à convoquer le meilleur du hard rock et du heavy, avec charme et sex-appeal ? Loud Arriver est le genre d’albums que j’écoute par curiosité et qui se retrouve en boucle dans mes oreilles, aussi excitant qu’hypnotisant. Je crois que le concert s’impose, mettre le feu à la scène étant pour elle une mission divine !

Si je ne dois citer qu’un album de Black Metal dans ma liste, Negative Plane mérite assurément de trouver grâce aux oreilles de chaque amateur. Même si leur son est moins psychédélique qu’à l’accoutumée, ils ne perdent rien en intensité et les morceaux sont tellement bien composés que les riffs d’exception s’enchaînent, que l’on se délecte, perdus dans une faille de l’espace-temps où les vagues de BM n’auraient que peu d’importance. Tout ce qui compte ? Le Riff, et sa capacité à nous transcender.

Pour terminer et bien que je n’inclue jamais les EP dans mes tops… Je ne peux vous quitter sans évoquer Shortparis. Les Russes sont devenus vitaux pour moi depuis que je les ai écoutés pour la première fois. Le contexte politique ajoute d’ailleurs un aspect capital à cette communion avec des artistes engagés dans un pays qui s’enfonce dans la guerre et le totalitarisme. Bien que leur dernier album date de 2021, ils ont donc sorti 2 EP en 2022, ainsi que quelques titres. Leurs clips, leur message, leur intention sont clairs, même si ils veillent probablement à ne pas aller trop loin. Ils restent dans une approche intello voire prétentieuse qui les protège autant qu’elle fascine les amateurs du groupe. Shortparis est pour moi une priorité absolue si j’ai un jour la chance de les voir en live.

Tant qu’il est encore temps !