Artiste : Exodus
Origine : Californie, États-Unis
Date de sortie : 2021
Genre : thrash metal
Note : 6,5/10
Après la très inégale série des Exhibits A et B à la fin des années 2000, Exodus avait su fièrement relever la tête en 2014 avec Blood In Blood Out, marqué par le retour de Steve Zetro Souza au micro en lieu et place de Rob Dukes. On ne peut plus traditionel, ce dernier disque voyait revenir à ce qu’il savait faire de mieus à la fin 80, un thrash metal à la fois agressif et redoutablement groovy et accrocheur, avec une efficacité retrouvée! Si certains fans pouvaient alors espérer le début d’une nouvelle ère faste, c’était trop demander à un groupe qui a rarement connu la stabilité. Engagé par Slayer en 2013 pour remplacer le défunt Jeff Hannemann, Gary Holt peine à se rendre disponible pour son groupe de toujours, Exodus. Il n’est en effet pas rare que Holt soit remplacé sur scène par Kragen Lum, guitariste de Heathen, pendant qu’il est en tournée avec Slayer. Notons d’ailleurs que Lum ne débarque alors pas en terrain inconnu puisque l’autre guitariste d’Exodus, Lee Altus, est aussi le dernier membre fondateur encore actif de Heathen, et cotoie donc fréquemment Lum au sein de ce groupe. Par ailleurs, l’implication de Gary Holt chez Slayer ralentit également le processus d’écriture, le gaillard étant depuis plusieurs années le compositeur principal d’Exodus. Ainsi, si les premières idées d’un nouvel album émergent dès 2016, leur concrétisation traine tout au long de la fin de décennie 2010, avec des informations données au compte-goutte incluant, et c’est un évènement en soi, la participation de l’ancien de la maison Rick Hunolt parti en 2004.
D’abord annoncé pour 2018, puis 2019, puis 2020, cet ipotétique onzième album semble promis à un délayage éternel jusqu’à ce qu’une nouvelle des plus retentissantes tombent : la retraite de Slayer en novembre 2019 à l’issue d’une tournée d’adieu! Si la fin d’un des groupes majeurs de la scène thrash californienne n’est évidemment pas le sujet ici, l’une des conséquences directes de cet évènement est la fin de la garde alternée pour Gary Holt, qui peut enfin se consacrer pleinement à Exodus. L’année 2020 est alors dédiée au perfectionnement des nouvelles compositions, jusqu’à une entrée officielle en studio en septembre de la même année. Les sessions d’enregistrement sont bouclées en octobre, puis la production et le mixage en janvier 2021. On s’achemine alors vers une sortie courant 2021 de ce nouvel album, batisé Persona Non Grata. Cependant, une nouvelle galère brise encore la dinamique, et non des moindres : Tom Hunting, batteur historique du groupe et dernier membre fondateur encore actif, souffre d’une forme de cancer de l’estomac, plus précisément un carcinome épidermoïde. À cette nouvelle terrible s’ajoutent les difficultés de l’industrie du vinile à assurer l’impression de l’album à temps à cause de la pandémie, ce qui conduit à un nouveau report de la sortie de Persona Non Grata. Temporairement remplacé par John Tempesta (qui l’avait déjà remplacé entre 1990 et 1992), Hunting reprend finalement son poste en octobre alors que son cancer est en bonne voie de guérison. L’album sort quant à lui en novembre 2021, soit 11 mois après sa complétion.
Premier morceau révélé du disque, The Beatings Will Continue officie dans un registre thrash classique mais super efficace, pétri de riffs percutants dans la plus pure tradition d’Exodus, et avec en prime un refrain des plus redoutables où le duel entre les vociférations enragées de Souza et les choeurs hardcore fait son effet, le groupe est bien de retour! Autre moment fort de l’album, Slipping Into Madness utilise globalement la même recette, riffs de feu, chant survolté, choeurs hardcore, mais avec cette fois une alternance entre accélérations frénétiques aus couplets et mid-tempo groovy au refrain, une vraie belle pièce thrash pleine de mordant comme Exodus sait si bien les concevoir. Mais là l’album étonne, c’est qu’il renoue avec le supplément d’audace de la grande époque qu’on avait un peu perdu sur les dernières sorties. Ainsi, Prescribing Horror rappelle un peu l’extraordinaire Architects Of Fear sur Force Of Habit par ses riffs de plomb, son jeu de batterie plus fin et son ambiance lugubre et doomesque, un véritable coup d’éclat qui pourrait justifier à lui seul l’achat de l’album! Et que dire du duo Cosa Del Pantano-Lunatic Liar Lord, incontestablement l’un des sommets du disque également! Après une introduction bluesy marécageuse qui n’est pas sans rappeler celle de Cajun Hell sur Fabulous Disaster, le groupe balance une déferlante thrash de haut vol, puis glisse vers une ambiance plus maussade, plus grisatre, dirigée par LE riff de l’album, un riff brillantissime dans sa noirceur, presque neurosesque osons la comparaison, avant d’offrir un fantastique duel de solos auquel participent Kragen Lum, le même qui remplaçait Gary Holt lorsqu’il était pris par Slayer, et Rick Hunolt en personne! Après avoir invité Kirk Hammett sur le précédent, c’est donc un autre ancien de la maison (celui qui avait remplacé Hammett en 1983 justement, avant de quitter la bande 2004) qui vient saluer ses ex-collègues, et avec brio!
Si le reste de l’album n’est pas du même calibre, on y trouve tout de même plusieurs morceaus de bonne qualité. Des titres comme REMF, The Fires Of Division ou Antiseed, sans être inouabliables, offrent une belle gamme de riffs solides dans une veine thrash classique vue et revue mais qui fait toujours son petit effet. Un peu plus ambitieus, le morceau-titre Persona Non Grata multiplie les changements de ritme et les riffs plus complexes sur plus de 7 minutes pour un résultat également correct à défaut d’être transcendant, Exodus déroule sa formule habituelle sans surprise mais avec un savoir-faire intact. L’album contient cependant quelques grosses déceptions. D’ordinaire à l’aise dans ce registre groovy (celui qui en d’autres temps a donné des bijous tels A Good Day To Die ou Blacklist), le groupe se montre assez poussif sur The Years Of Death And Dying, dont les riffs et les lignes vocales peinent à convaincre. Et si le refrain à la limite du power mélo peut surprendre au début, il s’articule assez mal avec le reste et se révèle être lui aussi assez pénible. Elitist ne fait pas mieus dans ce registre groovy et est sans doute l’un des titres les plus faibles de l’album, ni les couplets ni le refrain ne fonctionnent vraiment, et Exodus se montre inhabituellement pataud, à oublier. C’est sans doute dans ce genre de moments qu’on mesure à quel point Rick Hunolt manque, lui qui était l’un des principaus artisans de la face plus groovy voire bluesy de la bande, un registre dans lequel Lee Altus est visiblement moins à l’aise. Clickbait de son côté hausse signitificativement le niveau de brutalité avec ses riffs fulgurants et son ritme survitaminé, presque death metal, mais à vouloir taper trop fort, le groupe perd son mordant habituel et se montre à nouveau laborieus, même si le refrain plus aéré rattrape un peu l’ensemble.
Assez inégal, comme le sont souvent les disques de segonde voire troisième partie de carrière, Persona Non Grata permet tout de même dans ses moments forts d’apprécier le savoir-faire d’Exodus dans ses registres de prédilection, tout en osant quelques incursions bienvenues en domaines plus inhabituels. Car même si ce disque ne rivalise évidemment pas avec les Bonded By Blood, Tempo Of The Damned et autres Force Of Habit, la faute à de trop nombreus temps faibles, il reste marqué de la patte et de la personnalité uniques du groupe, ce qui dans un paysage musical saturé de sorties thrash plus ou moins qualitatives est déjà un atout en soi. À nouveau pleinement disponible pour Exodus, son groupe de toujours, Gary Holt prouve qu’il en a encore sous le pied, aussi bien dans l’écriture que le jeu de guitare, un signe positif pour l’avenir du groupe. Il ne reste plus qu’à souhaiter que Tom Hunting ne rechute pas après avoir surmonté une première fois son cancer, et qu’il continuera d’écrire avec ses acolites l’histoire désormais quadragénaire d’Exodus. Et même si c’est sans doute peu probable, à voir comment Rick Hunolt semble être encore affuté sur Lunatic Liar Lord, une plus grande participation de cet ancien de la maison sur les disques à venir pourraient s’avérer être un gros plus!